Vu de loin, 48 heures est une toute petite chose, ultra-ancrée dans son époque ; elle l'est tellement bien qu'elle marque les débuts de plusieurs avatars caractéristiques des années 1980 et 1990 du cinéma populaire américain. C'est d'abord le premier rôle au cinéma d'Eddy Murphy, alors comique rendu célèbre par ses prestations dans le show télé Saturday Night Live. Il va devenir un acteur tellement important qu'il se ringardisera au sommet dès la décennie suivante, en écumant des 'navets' familiaux de luxe, tendance pétomane chantilly.


48 heures est aussi l'un des premiers films produits par Joel Silver, qui bientôt contrôlera les canons de l'action-movie de masse avec Jerry Bruckheimer. Le réalisateur Walter Hill en est à son cinquième film et entre dans la court des artisans aux travaux impeccables et explosifs, après un début de carrière parfois vaguement audacieux (Southern Confort) ou très pittoresque (Driver, Les guerriers de la nuit). Enfin 48 heures marque surtout la préhistoire de cette vague phénoménale du buddy-movie, enclenchée par L'arme fatale en 1987 et renouvelée dix ans plus tard par Men In Black.


Dans ce genre de films, deux individus aux caractères antagonistes doivent faire équipe et deviennent généralement amis malgré les problèmes de communication ou les conflits de valeurs. 48 heures met l'accent sur les différences raciales et sur la position sociale dans une moindre mesure. Les deux protagonistes ont cependant en commun de prendre des largesses avec la loi et se comporter comme des fauves, ce qui les compromet à divers degrés ; Eddy Murphy est le black tiré de prison pour soutenir le flic borderline campé par Nick Nolte. Mel Gibson reprendra sa fonction [de rebelle fracassant] pour L'arme fatale, en carrément torturé ; Nick Nolte lui est plus badass que taré.


La séance est serrée autour du tandem ; un excellent choix puisque les temps sans la réunion de Jack et Reggie sont assez morts. La mise en place, bien que très chargée, est insipide. Les mouvements sont survoltés mais le côté brouillon broie ce déluge d'énergie. Il faut la rencontre avec Murphy pour que le film se lance vraiment. La mise en scène est efficace et joue sur les décalages, les personnages sont paresseusement écrits mais sympathiques ; le scénario est encore plus décontracté et l'enquête carrément bâclée. L'intérêt est donc exclusivement du côté de la virée des deux brutes malines et de leur enchaînement de numéros (le climax étant le speech de Murphy dans le bar country).


Le ton est extrêmement vulgaire et énergique, les mots claquent ; il n'y a pas tellement de 'punchline' rentables (type « je suis trop vieux pour ces conneries ») mais une avalanche de bons mots et de joutes offensives. On est plus dans du Audiard US, vif et simpliste, que dans la machine à fabriquer des répliques crétines que les enfants ou adultes en transe infantile répéteront en boucle avec à terme la larme à l’œil. C'est sans doute le grand manque du film par rapport à ses successeurs et concurrents, plus épurés et concentrés sur quelques ritournelles ou repères clairs. Pas lumineux intellectuellement, mais nerveux, en paroles comme en actes, 48 heures reste un gros morceau dans son registre (et bien plus jubilatoire que la moyenne).


https://zogarok.wordpress.com/2016/03/08/48-heures/

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le 8 mars 2016

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Zogarok

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