Une plongée trés réussie esthétiquement en Roumanie, en 1987, en pleine période URSS - Ceausescu, le temps d'une journée. Une femme, et son amie, partent en périple pour un avortement illégal.
La mise en scène est extrêmement froide et étriquée. Si étriquée qu'on pense à des huis-clos successifs, impression accentuée par la longueur et l'immobilité des plans. Le premier, dans une chambre d'hôtel, où le "sauveur" prend les traits d'un porc et d'un crétin, viole les deux femmes, ce qui vaut un magnifique et vibrant "merci" de la femme à son amie.
Le deuxième, l'amie est catapultée dans un dîner bourgeois avec des médecins et des chirurgiens aisés, et subit une discussion frivole et complètement démesurée par rapport à ses préoccupations. Et nous, le spectateur, ne sommes qu'un aliment de plus, posé sur la table, à disposition de ces hôtes protégés et favorisés par le régime.
La lenteur des plans m'a bizarrement fait ressentir l'agonie du foetus, la possible agonie de la femme enceinte dont on ignore le sort. Et cette gêne que je pressentais atteint son apothéose lorsque la caméra reste fixée sur le foetus explusé, sensation très gênante car il est là, le mort, le sacrifié du film, on détourne les yeux et son esprit de ses questionnements éthiques qu'on pensait réglés.
Les dernières scènes, sur un ton de thriller, nous font suivre l'aie qui doit se débarrasser du corps. Elle le jette dans les boyaux d'un vide-ordures, il retourne dans les entrailles de la Terre. Elle rejoint son amie, qui est déjà en train de manger. Elle mange un plat composé de foie, de cervelle... tandis que l'autre la regarde, dépitée, comme si l'une répétait le sacrifice qu'elle venait de faire pendant que l'autre, son instinct maternel, la regarde impuissante, les mains liés par le système en place.