Le succès de Die Hard à sa sortie en salles en 1988 fut tel qu’il n’aura fallu seulement que deux ans à la Fox et au binôme Joel Silver/Lawrence Gordon pour produire une suite. McTiernan étant parti filmer la traque de l’Octobre Rouge, le duo de producteurs dut lui trouver très vite un remplaçant. Et ce fut finalement Renny Harlin qui fut choisi pour mettre en forme ce second opus. Formé au cinéma d’horreur et remarqué pour ses deux films d’horreur fantastique Le Cauchemar de Freddy et Prison, Harlin s’attaquait ici à un genre (le film d’action) qui deviendrait par la suite une des principales composantes de son cinéma. Il fallut convaincre aussi leur star principale, Bruce Willis, qui craignait alors de s’enfermer dans un créneau dont il ne sortirait plus (il eut en partie raison). Pour l’acteur, le pitch de Die Hard 2 ressemblait déjà trop à celui du premier film et il n’accepta que contre un cachet plus important et la promesse de Silver de lui produire son petit délire perso Hudson Hawk, sorti un an plus tard. Comme le précédent opus, l’intrigue de Die Hard 2 fut confiée aux bons soins de Steven E. De Souza, épaulé par le débutant Doug Richardson (futur scénariste de Bad Boys et aussi impliqué dans l’écriture de Die Hard 3). Les deux scénaristes adaptèrent pour l’occasion le pitch du roman 58 minutes de Walter Wager (un flic attend sa fille à l’aéroport et doit faire face à des terroristes) de manière à le présenter comme une suite cohérente à Piège de cristal. Pour la trame de fond, ils s’inspirèrent du scandale Iran-Contra survenu dans les années 80 et qui impliquait un soutien armé au groupe révolutionnaire des Contras au Nicaragua, appuyé officieusement par le gouvernement américain malgré l’interdiction du Congrès.
Las, Die Hard 2 (aussi titré Die Harder aux States) ne brille pas vraiment pour l’originalité de son scénario qui décalque les composants narratifs du premier film tout en en ouvrant un peu plus les enjeux. Sorti en 1990, en pleine explosion du cinéma d’action hollywoodien, 58 minutes pour vivre (titre français paresseux faisant référence à la nouvelle d’origine ainsi qu’à une réplique sans importance du film) remporta néanmoins un énorme succès en salles, conforta le statut de star de Bruce Willis et lança la carrière de son réalisateur. Malgré ça, ce second opus ne bénéficia jamais de la même reconnaissance que son modèle, la plupart y voyant une sympathique suite quand d’autres le considèrent comme inutile.


Pourtant Die Hard 2 n’a rien d’une suite ratée et s’impose comme un excellent film d’action, aux rebondissements certes un rien abracadabrantesques. Boostée par la réalisation fluide de Renny Harlin (tout en mouvements de caméra pour dynamiser l’ensemble) et ses nombreux sursauts de cruauté (Harlin vient du cinéma d’horreur et ça se voit à travers les morts sanglantes du film), cette suite s’apprécie pour ce qu’elle est, une seconde aventure du policier le plus dur à cuire du cinéma, spectaculaire et à la violence décomplexée, portée par la charisme de sa star principale et la personnalité toujours aussi cynique du « héros » qu’il incarne. Bien sûr, la mise en forme d’Harlin n’a pas toujours la classe et le méticulosité de celle de McT, le réalisateur d’origine finlandaise se contentant ici d’une réalisation de faiseur, efficace et mouvementée, jouant principalement sur la surenchère d’action, d’explosions et de violence pour se distinguer de son modèle. Harlin parvient ainsi à nous offrir une poignée de séquences mémorables, de cette première fusillade dans le centre de tri à cette confrontation finale sur l’aile d’un boeing, en passant par le carnage dans le terminal en chantier, le crash de l’avion et l’assaut de la chapelle. Il compose aussi plusieurs plans à effets spéciaux très impressionnants pour l’époque (le crash de l’avion, l’éjection de McClane du cockpit, l’explosion du boeing des bad guys).


La qualité de la réalisation d’Harlin ne suffit pourtant pas à occulter les nombreux défauts d’écriture du film. Comme dit précédemment, Die Hard 2 est une suite dont la structure-même décalque celle du premier film en l’adaptant juste assez bien pour donner l’impression de s’en différencier. Il ne s’agit ici plus d’enfermer le héros dans un lieu clos et inconnu face à des terroristes aux motivations pécunières mais de sauver son épouse (encore) et bien d’autres passagers de vols, pris en otages à leur insu par un groupe de (faux) terroristes aussi bien organisés que surarmés, déterminés à libérer l’un des leurs. Cependant, le plan des méchants a du plomb dans l’aile et révèle bon nombre d’incohérences, il semble isoler totalement la tour de contrôle et limiter les aides extérieures (seul le commando ripoux de Grant est envoyé en renfort), et compte beaucoup trop sur la passivité et la bêtise des autorités de l’aéroport. On a ainsi beaucoup de mal à croire que les autorités se contenteraient de si peu d’investigations et de renforts dans une telle situation. Le plan de Gruber dans le premier film était déjà plus cohérent : ce dernier s’était organisé de manière à s’emparer d’une place forte et d’en organiser la défense, il s’attendait aux assauts de flics et à l’intervention du FBI, et le simple fait qu’il prenne ses quartiers dans la tour le mettait hors de portée des autorités. Ici, Stuart et ses sbires prennent leur quartier dans une chapelle dont on devine qu’elle jouxte les pistes de l’aéroport, ils sont à proximité du centre des opérations mais ne sont étrangement jamais inquiétés par les autorités, jusqu’à l’offensive du commando de Grant.


C’est là le principal défaut de 58 minutes pour vivre : la volonté des scénaristes d’avoir voulu décalquer la formule du premier film en en exagérant suffisamment les péripéties pour en occulter la ressemblance. Ainsi, si l’on y réfléchit bien, le parallèle avec le script du premier film est évident : un commando surentrainé, une prise d’otage, lé héros (quasiment) seul contre tous, une épouse en danger, le journaliste véreux en quête de scoop, le sacrifice en milieu de film qui aboutit à la culpabilisation de McClane (dans Die Hard le meurtre d’Ellis, dans cette suite le crash de l’avion), le sympathique allié relégué à squatter les bas-fonds (Argyle, Marvin), le bref face à face entre le héros et le méchant (ici, lorsque McClane neutralise Esperanza), la fusillade qui s’ensuit et à laquelle il semble impossible à McClane de réchapper (le cockpit et ses grenades, qui mettent sacrément longtemps à exploser), la confrontation finale et la conclusion (où John et Hollie se font conduire par leur sympathique chauffeur loin du théâtre des événements). Il ne s’agit pourtant pas de voir Die Hard 2 comme un simple plagiat paresseux du premier film, son intrigue en réadapte la structure mais propose ses propres péripéties et enjeux. Les similitudes sont néanmoins suffisamment évidentes pour ne pas voir Die Hard 2 autrement que comme un habile décalque de son modèle, mais de qualité moindre car n’en tutoyant jamais la pleine réussite formelle et scénaristique. L’exemple le plus évident est la mise en présence d’un méchant qui peine à briller de la même aura que celle d’Hans Gruber. A l’élégance et au jeu nuancé d’Alan Rickman dans le premier film succède la simple froideur psychopathe d’un antagoniste purement archétypal et Bill Sadler, tout bon acteur qu’il est, ne pourra ici rien faire pour en relever l’intérêt. A l’image de ses nombreux sous-fifres aussi mutiques qu’impassibles (et dans lesquels on reconnaitra les jeunes Robert Patrick et John Leguizamo). Et ne parlons même pas de Franco Nero, relégué à un simple rôle de méchant/MacGuffin, sorte de Manuel Noriega à la gueule de Django.


Quelques différences d’importance se sont néanmoins glissées dans le propos de Die Hard 2 par rapport à celui du premier opus : alors que McTiernan portait un regard très sévère sur le monde des médias dans son film, le film de Harlin, lui, oppose l’opportunisme détestable du journaliste Thornburg à l’intégrité apparente de la journaliste Samantha Coleman, comme pour contrebalancer et nuancer la critique du premier film. L’image navrante que présentait McTiernan de la police reste quasiment la même dans ce second film et va même encore plus loin : le personnage de Powell est ici évacué de l’intrigue et relégué à un simple caméo, et l’essentiel des forces de police en présence nous sont montrées comme un ramassis d’incompétents, seulement bons à verbaliser un mauvais stationnement (la scène d’ouverture et son clin d’oeil avec le PV déchiré en guise de conclusion est en cela très éloquente) ou à rester passifs. Le personnage du capitaine Alonzo, interprété par Dennis Franz (le Sipowitch de NYPD Blue) est d’ailleurs plus que représentatif, il nous est montré comme un fonctionnaire dépassé et irascible, visiblement jaloux de la popularité de McClane. Il remet toujours en cause le héros et ne l’appuie jamais vraiment. Ce n’est qu’à la fin du film qu’il se décide enfin à croire McClane et à vouloir lui prêter main forte. Mais ce revirement n’aboutira à rien, un simple embouteillage à l’entrée de l’aéroport aura raison de cette tardive rédemption et Alonzo ne servira à rien pendant l’essentiel de l’intrigue. En fait, que ce soit dans Die Hard 2 ou dans le premier opus, le flic est soit un gars intègre se fiant essentiellement à son flair (McClane, Powell), soit un imbécile incompétent (tous les autres). McTiernan profitera d’ailleurs de revenir aux affaires dans Die Hard with a vengeance (Une journée en enfer) pour nuancer ce propos et présenter les collègues new-yorkais de McClane comme des flics intègres et héroïques mais accusant toujours un temps de retard sur les plans du méchant.


Au final, c’est le peu d’innovation scénaristique de cette première séquelle qui dissuada pendant longtemps Bruce Willis de rempiler pour un troisième opus. Die Hard 2 n’était pas suffisamment original pour s’imposer comme une suite logique aux événements de Die Hard, il reste peu crédible dans sa façon de confronter une nouvelle fois John McClane à une bande de terroristes au sein d’une intrigue qui place à nouveau sa femme au centre des enjeux. Qui plus est, Hollywood eut vite fait de s’emparer du filon et de produire des Die Hard bis à la chaine dès la sortie de cette suite, sous diverses déclinaisons : un Die Hard maritime (Piège en haute mer) puis ferroviaire (Piège à grande vitesse) avec Steven Seagal, un Die Hard aérien (Passager 57) pour Wesley Snipes, un Die Hard cyberpunk pour Mickael Dudikoff (Cyberjack), un Die Hard sportif pour Van Damme (Mort subite) et un autre pour Sean Connery (Rock). Même Renny Harlin trouva le moyen de faire son propre Die Hard montagnard pour les beaux yeux de Stallone avec Cliffhanger. En définitive, ce fut finalement John McTiernan qui trouva le meilleur prétexte à la mise en chantier d’un troisième opus de la franchise, cinq ans plus tard : à savoir donner une véritable suite à son chef d’oeuvre de 1988 en en modifiant complètement la structure et les enjeux. Une continuité logique qui, en plus de révolutionner le cinéma d’action, raccrochera habilement les wagons avec Piège de cristal et cantonnera 58 minutes pour vivre à un statut de sympathique transition.

Buddy_Noone
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le 19 janv. 2021

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Buddy_Noone

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