Déclaration d'amour et de haine pour le tennis

Deux ans après sa remarquable interprétation de Guy en 2018, Alex Lutz revient sur nos écrans avec 5eme Set de Quentin Reynaud. 5eme Set raconte l’histoire de Thomas Joseph Edison, un joueur de tennis de trente-sept ayant atteint la demi-finale de Roland Garros en 2001 mais qui n’a jamais réussi à remonter dans le haut du classement. Désireux de montrer à tous que sa carrière n’est pas encore terminée, Edison décide de passer les qualifications de Roland Garros malgré son genoux meurtri et une jeune génération de joueurs bien plus vigoureuse. Son obsession à ne pas arrêter le tennis va alors mettre en péril sa relation avec sa femme et sa mère.


*5eme Set* est un vrai drame français nous faisant visiter les coulisses du monde impitoyable du tennis. La moindre erreur, le moindre doute peut mettre un terme soudain à une carrière aussi prometteuse que celle d’Edison. Mais ici, nous sommes face à un personnage déterminé à prouver sa valeur et qui a laissé derrière lui les doutes et les angoisses de sa jeunesse, quitte à abandonner son humanité. Car c’est cela que raconte *5eme Set*, l’exigence d’un tournois du grand chelem et les sacrifices que chaque joueur doit faire pour parvenir au bout du chemin. Le drame qui se joue, c’est la destruction physique et psychologique d’un homme qui ne s’arrête jamais au point de ne plus être suivi par personne. Une figure totalement déshumanisée qu’est celle de Thomas Edison, brillamment interprétée par Alex Lutz. 
L’autre fait marquant, c’est la représentation qui est faite du tennis. Les personnages ne parlent que de ça, une mère entraîneuse qui voit en son fils un échec qui n’a jamais su retrouver la gloire de ses débuts. Une épouse, ancienne joueuse qui a délaissé sa carrière pour s’adonner à la vie de famille. Des amis qui ont tous pris leur retraite et qui sont sceptiques face à la décision de Thomas Edison de faire Roland Garros. Et enfin, un Thomas Edison seul contre tous, persuadé qu’il pourra atteindre de nouveau le haut du classement et qui n’en démord jamais. Le tennis n’est ici plus une passion, il est une raison de vivre. L’argent dépend du tennis, la vie de couple en dépend également, les relations mère/fils aussi. Il n’est même pas question pour Edison de faire autre chose, comme le souligne cette scène où il écrit ne savoir rien faire d’autre que le tennis, n’avoir aucune autre passion que ce sport.
Enfin, l’un des questionnements majeurs que l’on peut se poser en entrant dans la salle de cinéma, c’est comment filmer des matchs de tennis. Tout le monde a vu un match de tennis à la télévision et connaît les cadrages adéquates pour que l’action soit lisible. Et c’est le piège dans lequel pouvait tomber le film, à savoir adopter une mise en scène proche de celle qu’on connait à la télévision et donc nous faire croire qu’on regarde un match parmi tant d’autres. La majorité des matchs montrés dans le film se déroulent pendant les qualifications (qui ne sont donc pas retransmis à la télévision), et au lieu de simplement poser une caméra fixe derrière les joueurs, Reynaud nous offre une analogie intéressante. Le match prend une forme de dialogue en champ contre-champ ou chaque joueur se renvoie la balle comme une réplique. Le tout avec une caméra portée à l’épaule et en constant mouvement au risque de rendre parfois l’action difficilement lisible. Mais l’émotion que souhaite dégager le réalisateur est là, chaque coup renvoyé est d’une violence inouïe et nous rappelle constamment l’effort physique des personnages.
Enfin, il y a le match final qui trouve un juste équilibre entre cette mise en scène que nous venons d’évoquer et une retransmission télévisuelle. Tout fan de tennis retrouvera dans ce dernier match, l’effervescence que peut produire un duel entre **Raphael Nadal** et **Roger Federer**. Tout le film nous prépare à cet affrontement final, celle d’un joueur sur le déclin qui à trop à perdre pour lâcher prise, et un jeune joueur qui a trop à gagner pour laisser passer sa chance. Mais là où ce match pourrait être un simple affrontement entre deux joueurs de tennis, un respect croissant naît entre eux deux. On ressent la même tension que dans un match, le même espoir que lorsque notre joueur favori gagne un jeu décisif, le même stress que lorsqu’il est sur le point de se faire breaker. Le suspens trouve son paroxysme dans un final éblouissant où le temps semble s’arrêter. Un simple mouvement, un simple service et toute l’émotion est là, contenue dans ce dernier plan aussi jubilatoire que frustrant. L’émotion que partagent le spectateur et Thomas Edison est la même: la passion pour un sport qui n’a de cesse de nous surprendre.
James-Betaman
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le 19 oct. 2020

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James-Betaman

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