À l'origine, Huit femmes est une pièce de théâtre datant de 1958. De l'intrigue développée sur les planches, on ne retiendra pas les ficelles policières, assez grossières et pleines d'incohérences. On préférera se souvenir des huit personnages. Huit femmes, on l'aurait deviné, bloquées, tendues, se montrant les dents. Entre haines, rancoeurs, jalousies et cachotteries, les relations entre ces huit personnages ont suffi à faire le succès de la pièce. Et nous ont permis, près d'un demi-siècle plus tard, de découvrir un drôle de film musical particulièrement réussi.
Aux simples disputes et agaceries comiques de la pièce originelle, Ozon a choisi de rajouter beaucoup de sensualité dans l'histoire de ces huit femmes. Dans une ambiance feutrée, des dialogues frôlant la drôlerie absurde laissent entrevoir des passions camouflées et des attirances refoulées. Le film aborde des thèmes parfois lourds avec une légèreté comique bienvenue. L'ajout de chansons, chorégraphiées avec soin dans des décors éclatants confirme le choix de la rupture de ton. En résulte une atmosphère vraiment particulière, assez agréable, qui marque l'esprit pendant longtemps.
Pour que l'ensemble marche, encore fallait-il soigner l'interprétation. Le casting s'avère impressionnant, réunissant des noms féminins très connus du cinéma français. Si les performances sont inégales, aucune n'est vraiment décevante. Trois des actrices sortent du lot.
- Ludivine Sagnier, dans le rôle de la benjamine du groupe, apporte une
certaine fraîcheur à l'ensemble, avec ses airs de garçon manqué,
gamine à la fois maligne et boudeuse.
- Fanny Ardant, pour sa part, transpire le charme, voire l'érotisme
dans un personnage qui lui va comme les gants qu'elle porte lors de
son apparition.
- Mais, surtout, c'est Isabelle Huppert, qui impressionne. Elle
interprète avec brio une Augustine grinçante, amère, très drôle et
pourtant terriblement émouvante.
Si 8 Femmes pourra rebuter certains spectateurs par son ambiance décalée et les énormes incohérences de son intrigue policière, il séduira une autre frange du public, avide d'originalité. On se laisse entraîner rapidement par le charme certain de cette atmosphère désuète, sensuelle, absurde et envoûtante.