ADN
5.5
ADN

Film de Maïwenn (2020)

Ils s'aiment très fort et ils l'aimaient ; chacun a ses raisons et aime à sa manière. Emir/Omar Marwan et Neige/Maïwenn, le grand-père et sa petite-fille, sont les personnages pivots de l'histoire. Le seul problème c'est que l'histoire que Maïvenn nous raconte est pour le moins faiblarde. Afin de ne pas vous égarer, je précise que la petite-fille est une jeune femme elle-même mère de famille et déjà divorcée de François/ Louis Garrel. Ce dernier a beaucoup d'humour, ce qui met un peu d'animation dans le film qui en a bien besoin. Caroline/Fanny Ardant et Françoise/Caroline Chaniolleau sont les filles d'Emir, l'une d'entre elles est la mère de Neige.


Il peut paraître un peu étrange de présenter ainsi le casting du film en préambule, mais cela doit faciliter l'entrée dans cet épisode de la vie familiale dans laquelle les portraits se tracent par petites touches rapides, parfois trop rapides, sans se préoccuper de savoir si nous avons eu le temps de faire connaissance. Certains esprits agiles y parviennent probablement sans plus d'insistance, je n'en fais pas partie. Je me fais donc le porte-parole auprès de Maïwenn, qui est également la réalisatrice du film, de tous ceux qui ont la compréhension en esprit de l'escalier.


François /Louis Garrel est donc l'ex-mari de Neige dont le père est lui même l'ex-mari de sa mère Caroline. Maïwenn aurait pu choisir quelqu'un d'autre que Caroline Chaniolleau pour interpréter sa tante Françoise ou alors donner un autre prénom au personnage qui est sa mère car il est déjà suffisamment compliqué de s'y retrouver pour ne pas créer des homonymies entre comédiennes et personnages même si dans le film elles sont sœurs. Il faut tenir un peu compte des spectateurs qui n'ont pas pu jongler avec les personnages pendant maintenant six mois et pour qui c'est la rentrée dans les salles obscures. Une rentrée doit se faire en douceur avant de retrouver la vitesse de croisière. Le film étant sorti sur les écrans avant la fermeture des cinémas, Maïwenn aurait pu profiter de cette période creuse pour y remédier.


Emir est un homme de l'immigration algérienne qui vit ses vieux jours dans une maison de retraite entouré de sa famille ; celle-ci abrite comme toutes les familles quelques vieilles rivalités qui sont devenues au fil du temps des petites rancoeurs. Le décès d'Emir va être l'occasion de leur laisser libre cours et le film qui nous est présenté comme un drame se mue peu à peu en comédie légère. Légère dans tous les sens du terme.La famille se rassemble pour le deuil et surtout pour organiser les funérailles de l'aïeul.


Algérien d'origine, homme de gauche, communiste probablement et certainement laïque convaincu n'entretenant avec la mosquée que des relations très distantes, Emir avait émis le désir d'être incinéré ce que la tradition musulmane récuse et ce qui est bien un indice sur ses convictions profondes. Premier accrochage entre les deux sœurs dont un fils et neveu souligne l'incompréhension de ce qu'était leur père et son grand-père.


En principe le défunt musulman est porté en terre dans un linceul blanc, mais comme il y a incinération, c'est le cercueil qui sera retenu. Pour Françoise, un beau cercueil dans un bois noble s'impose pour souligner l'attachement à leur parent. Si le cercueil en chêne a la préférence de la dame de la société des pompes funèbres pour des raisons que nous devinons, quelqu'un rappelle que le crématorium recommande un matériau plus léger pour favoriser la combustion de la dépouille. L'idée que son père soit mis dans une boîte en carton comme s'il s'agissait d'un vulgaire déménagement révulse Françoise qui consent du bout des lèvres au pin bien que cela fasse un peu Ikéa. Reste à régler la question du capiton. Caroline considère que sa couleur doit être assortie à celle de la djellabah dont le défunt sera vêtu. Ton sur ton ne mettra pas suffisamment en valeur la noblesse de l'aïeul et un rapprochement entre le nuancier et le textile du vêtement s'impose.


Au delà de toutes ces discussions byzantines de circonstance, la cartographie ADN que Neige/Maïwenn fait établir doit lui faire connaître toutes les parties d'elle qui sommeillent et surtout les dosages respectifs provenant de chacun de ses ancêtres. Pendant que Maïvenn entreprend d'explorer le passé, Kevin, Dylan, Mateo ou peut-être un autre se tourne résolument vers l'avenir en réaffirmant sa francité.


Exposez, identifiez, développez et concluez. Pensez surtout à conclure car si la lumière venait à se rallumer sans que vous l'ayez fait, on dira que votre histoire n'a pas de fin ou finit en queue de poisson. J'ai eu tout juste le temps de demander à ma voisine qui était la charmante jeune femme blonde au si beau sourire qui avait fait un signe de la main à un moment donné vers la fin du film. Elle m'a toisé et fusillé du regard en me lançant sur un ton définitif : " Vous n'aviez qu'à écouter ! " Je ne sais toujours pas qui elle est et ce qu'elle faisait là, mais elle est malgré tout très jolie et son sourire était très doux. Je vous parle de la jeune femme blonde dans le film et pas de ma voisine de salle, bien entendu.


Je prie le ciel (manière de parler) pour que les autres réalisateurs échappent au syndrome du confinement et ne se mettent pas à leur tour à se filmer et à se mettre en scène. Le nombrilisme aigu est un mal étrange dont on ne se remet jamais totalement si on n'y prend pas garde. Je comprends maintenant bien mieux la difficulté que Maïwenn a pu avoir pour trouver un titre à son film mais beaucoup moins les raisons qui lui ont fait opter pour celui qu'elle a retenu.

Freddy-Klein
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le 22 mai 2021

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Freddy Klein

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