On ne peut pas dire que le cinéma de genre français soit particulièrement gâté avec les critiques de son pays, souvent promptes au rejet, comme si le domaine de l'imaginaire était un enfantillage dégénéré, indigne de figurer aux côtés du cinéma d'auteur... Gans l'a bien compris il y a quelque temps et s'est résolu à tourner aux Etats-Unis, toujours avide de s'emparer des talents étrangers (et souvent de les défigurer au passage, mais soit).

Personnellement, je serais plutôt du genre à encourager tout projet venant bouleverser les habitudes nécrosées du septième art français, avec lequel j'ai toujours eu beaucoup de mal. "A l'intérieur", avec ses imperfections, est cependant suffisamment ambitieux pour participer à un changement des choses. Doté d'une réalisation bluffante, d'une bande-son qui envoie du bois et d'une interprétation qui tient la route, le film de Maury et de Bustillo témoigne d'un amour assez jouissif pour les classiques de l'horreur. La première partie est excellente. Suggestive, stressante, l'inconnue qui tente de rentrer, dans tous les sens du terme, dans l'intimité d'une veuve enceinte, marque le film de son empreinte. Ensuite, c'est le festival du gore.

J'aime bien le gore, à condition qu'il soit "justifié" de manière intéressante. Malheureusement, sa représentation dans ce film ne tient pas toujours la route. Les effets sont pour la plupart du temps réussis mais, à force de s'attarder dessus, la caméra en dévoile le caractère factice, voire ridicule. Les jets de sang les plus improbables viennent s'entasser dans un carnaval de plus en plus grotesque qui tranche trop nettement avec le ton sérieux du film. Vouloir tout prendre au premier degré, c'est bien, j'adhère. Mais alors, on évite de proposer au spectateur cette scène (vers la fin) qui restera gravée dans ma mémoire comme la plus improbable qu'il m'ait été donné de voir, vu le contexte général. Un peu comme si on insérait brutalement des ninjas armés de shurikens dans un film d'espionnage sérieux.

Le scénario et les dialogues minimalistes ne dérangent pas, c'est même un parti-pris qui se respecte. Mais la bêtise générale des personnages, digne pour le coup des plus beaux nanards américains, n'aide pas à faire passer la pilule quand les réalisateurs partent un peu en couille. Reste un savoir-faire certain, des images parfois vraiment dérangeantes et 1H20 de pellicule qui n'ennuie jamais grâce à un rythme soutenu et une inventivité dans la gestion du huis-clos plus que bienvenue. Je pense que c'est en encourageant ce genre de réalisations que le cinéma français trouvera, peut-être, le début d'un second souffle.
Amrit
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Créée

le 15 sept. 2012

Modifiée

le 15 sept. 2012

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Amrit

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