Voici l'exploration d'un fait divers sordide, qui se veut sans complaisance ni compassion, mais lucide, sur la descente aux enfers d'une mère qui est avant tout l'épouse d'un homme sous influence.
Un sentiment de malaise indéfinissable m'habitait à la sortie de la salle, indépendant des faits bruts, et que j'avais du mal à définir. A la réflexion, ce qui me gêne en tout premier lieu dans ce film, c'est son titre, fort mal choisi, qui voudrait nous faire passer cette femme pour folle. Or, il n'en est rien. On n'est pas folle quand on est profondément dépressive. La preuve en est que son acte odieux est prémédité, froidement réalisé ; tandis qu'une "folle" aurait agi en dehors de sa volonté propre, dans un raptus irréparable, cette femme est bel et bien infanticide ET assassine.
A partir de là, on s'interroge : soit ce dénouement horrible s'étaye sur une personnalité fragile et anciennement dépressive, et alors c'est insuffisamment explicité, soit c'est le contexte structurel (son mode de vie, ses grossesse rapprochées, la promiscuité d'avec un beau-père omniprésent et omnipotent) qui la font décompenser, et alors l'acte est totalement disproportionné avec ce qui nous est donné à voir. Dans l'un comme dans l'autre cas, le film déçoit parce qu'il n'explore pas à fond l'une ou l'autre piste.
C'est qu'il y a sans doute une perte de temps dans la première partie, qui veut s'étendre délibérément sur l'harmonie superficielle du début de cette histoire. Dans une telle triade, avec de tels enjeux affectifs et psychosociaux, il est évident que cela va mal finir. Peut-être pas aussi mal, et c'est peut-être ce qui justifie d'expliquer aussi largement le décalage entre le début et la fin. Mais cela se fait au détriment de la narration du drame qui va se jouer.
Il n'en reste pas moins que le film bénéficie d'une interprétation magistrale d'Emilie Dequenne, qui porte le film à bout de bras et tient la dragée haute à Niels Arestrup, ce qui ne doit pas être une tâche facile sur un plateau... Personnellement, je ne trouve pas que Tahar Rahim soit un acteur de grand talent, il offre donc ici une honnête prestation.
Quelques scènes d'une grande force émotionnelle tournées en gros plan et fixe donnent aussi une épaisseur au film de Joachim Lafosse, qui se termine intelligemment et pudiquement.
Un constat mitigé malgré tout.
marielou67
7
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le 4 sept. 2012

Modifiée

le 4 sept. 2012

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marielou67

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