À perdre la raison par Hugo Harnois
Il existe des actes que l'on juge incompréhensibles, contre nature. En 2007, une femme assassine ses cinq enfants et tente de se suicider sans y parvenir. Quelles sont les motivations qui poussent à faire un tel geste ? Comment peut-on en arriver là ? Joachim Lafosse essaye de répondre à ces questions en reprenant librement ce terrible fait divers, accompagné de trois acteurs fabuleux : Dequenne, Arestrup et Rahim.
À perdre la raison aurait pu tomber dans une retranscription facile d'une terrible tragédie mais le cinéaste choisit la carte de la justesse en prenant son temps. Lent et assez silencieux, la mise en scène est dotée d'une intelligence qui n'a d'égal que sa précision. Le placement de la caméra (loin des personnages, derrière les murs) est tout à fait judicieux car il nous met dans une situation de voyeur.
On observe cette famille se détruire de l'intérieur et cette mère tomber dans un gouffre de plus en plus profond. Pourquoi ? Car ce couple est parti sur une mauvaise base, et celle-ci a un nom : le Docteur Pinget. Joué par l'incroyable Niels Arestrup, une critique entière pourrait faire l'objet de ce personnage, où l'apparente quiétude de cet homme cache une manipulation hors du commun.
Mais À perdre la raison ne serait rien sans Émilie Dequenne qui nous livre une excellente performance. Changeant au fil du film tant dans son corps que dans sa tête, la femme perd pied peu à peu à cause de l'enchaînement de ses accouchements, où les enfants ne sont pas vus comme des cadeaux mais comme une succession de problèmes qu'elle ne pourra surmonter.
L'être humain est compliqué et imprévisible. Ce qui est certain, c'est que ces non-dit ont mené cette famille au drame, et ils participent à la puissance d'un récit qui se veut pudique et contemplatif. Une grande réussite.
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