Jean-Luc l’insoumis devant l’éternel, Godard le sacro-saint trublion du cinéma français a une nouvelle fois frappé, proposant cette fois un long métrage repoussant encore un peu plus loin les limites de son art, un film compliqué à expliquer et à décrire tellement le rendu est d’une singularité folle, une expérience particulièrement douloureuse pour les uns, fantastique pour les autres, je me démarque davantage dans la première catégorie.


Car oui "Adieu au Langage" est dur à assimiler, alliant technique rudimentaire aux teintes ultra saturées et haute définition, le tout parsemé de monologues et dialogues jetés à la tronche du spectateur avec des ruptures continuelles et/ou intempestives, l’effort doit être constant pour garder le cap et ne pas couler sous les flots de palabres jactées par ses acteurs amateurs. Le fil conducteur n’existe pas, tout reste volontairement abstrait mais Godard distille ses idées par touche de pinceau, puis se laisse aller à sa création quitte à nous laisser sur le bas côté en nous contemplant de loin avec dédain. Personnellement il m’a perdu au bout d’un quart d’heure, je ne pense pas avoir la culture nécessaire pour emmagasiner toutes ces données et réflexions socio-démographiques et philosophiques, je me suis donc accroché comme je pouvais pour suivre la dernière heure de film, mais au delà de la compréhension j’attendais au moins de ressentir des choses, et cela n’a été que très minime, la mise en scène est primaire et ne propose que des symboliques de temps à autres perceptibles, on se contente de suivre ce couple se retrouver sous les flots d’une douche et des bruits vulgaires d’excréments fraichement pondus dans les WC, de voir ce chien traverser la nature pour ensuite se perdre dans le paysage urbain.


Godard semble véhiculer le fait que l’homme est méprisable et que son mode de communication a atteint le point culminant de non retour, qu’un renouveau à l’état primal est envisageable, ça parait être son souhait pour le genre humain si il veut se sauver, en attendant le temps et les saisons passent, les interrogations demeurent continuellement sans jamais trouver de réponse, le chien serait le symbole même de l’être parfait résistant à tous les vices qui nous habitent. Du coup Godard le filme sous tous les angles dans les steppes de sa Suisse résidentielle, déambulant dans la foret universelle pour nous rendre des tableaux picturaux d’un esthétisme discutable, chacun y verra ce qu’il a envie de voir, d’ailleurs d’un certain aspect cela m’a personnellement rappelé une analyse du tableau du Chien de Goya que j’ai rédigé il y a quelques années en histoire de l’art, du reflet existentialiste entre l’animal et l’homme selon notre propre perception (bref). Concernant les séquences du couple je ne sais pas trop quoi en ressortir, par exemple à un moment la jeune femme parle à son paillasson pour ensuite faire causette avec un panier de fruits, demandant le droit à la parole, là Jean-Luc va un peu trop loin pour moi … Ce qui est vraiment embêtant c’est justement que le réalisateur s’amuse trop de son format, il se gargarise, il fait sa tambouille en espérant que le spectateur soit totalement réceptif, comme un hypnotiseur, ça ne peut pas fonctionner sur tout le monde je pense.


"Adieu au Langage" est dans la lignée de "Film Socialisme", il ne m’a pas franchement plu, ne m’a que trop peu inspiré, mais le génie que dégage l’aura de Godard fait qu’on ne peut pas, enfin pour ma part, le renier complètement, c’est une œuvre d’art, c’est d’ailleurs un des derniers grands surréalistes de notre époque et son message touchera sans doute beaucoup de personnes où en rebutera tout autant, je reste extrêmement partagé.

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le 4 déc. 2014

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JimBo Lebowski

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