Ce film est une sacrée expérience. Quelles sensations il doit procurer dans une grande salle. Je n'ai pas vu grand chose de Herzog et pourtant ce réalisateur me passionne. Déjà, malgré son succès en tant que réalisateur de fiction il reste plus que fidèle au genre documentaire, sortant un métrage de ce type presque chaque année. Puis il a une façon de filmer assez étonnante, proche du documentaire justement, ce qui apporte un certain malaise à ses films.
La construction est assez étrange. Le titre du film porte Aguirre comme héros et pourtant ce personnage là est plutôt discret. D'ailleurs de ce que j'en avais entendu parler, j'avais cru comprendre que la folie Kinski était nettement plus excentrique. Au lieu de ça il se contente d'un regard fou par ci par là, le tout avec une présence immense. Donc, Aguirre est désigné comme étant le protagoniste principal, mais Herzog arrive à faire du groupe un personnage en même temps, celui qui connaît des conflits et que l'on va suivre. Le réalisateur nous montre une mini société livrée à elle même, comme un retour au source pour l'homme. Et Kinski, prophète, fou, ou visionnaire, va contaminer tout ce petit monde, plus ou moins sain d'esprit au début, complètement à côté de la plaque à la fin. C'est Aguirre qui tire les ficelles de la troupe. Mais tout ça dans l'ombre. Comme un marionnettiste, il s'efface derrière ses pantins. Et les scènes s'avèrent de plus en plus fortes au fil des minutes. Au début j'étais partant pour un 7/10, et puis arrive une scène incroyable puis encore une meilleure. Herzog fait référence à d'autres films, mais s'en démarque très vite, et ça c'est une qualité énorme. Il reconstruit vraiment son film à partir d'idées chipées à gauche et à droite. En plus, d'après ce que j'ai pu lire sur le net, il arrive à s'adapter aux problèmes rencontrés sur le tournage sans que ça ne perturbe jamais la narration (les radeaux emportés par la montée des eaux s'est passé en vrai, Herzog l'a donc ajouté à son script).
La mise en scène est sobre mais diablement efficace. L'aspect cheap renforce le côté réaliste et malsain de l'histoire. Et comme je l'ai dit plus haut, Herzog semble filmer à l'improviste, comme s'il se laissait guider par la colère d'Aguirre. On ressent également la dureté du tournage au travers des plans. Sans doute les acteurs n'ont ils pas eu difficile à interpréter la fatigue, l'envie de rentrer au chaud à la maison ou encore certains excès de colère. Les acteurs sont impressionnants par leur sobriété également. Personne n'en fait trop. On sent l'amateurisme de beaucoup, mais Herzog s'en sert pour montrer des êtres perdus, une société en Perdition. Klaus Kinski est bien sûr le plus remarquable. On ne sait pas s'il joue ou s'il est simplement lui même. Son regard. Son regard! Il donne des frissons. Son visage est effrayant. Et en même temps, quand il parle, il hypnotise, il charme.
Aguirre, The Wrath Of God est une sacrée surprise pour moi, un film assez atypique que je recommande.