Tout a commencé par une douleur intense, insupportable. Les maux d'estomac de Dan O'Bannon, dus à la maladie de Crohn dont il souffre. Il a mal à s'en ouvrir le ventre. Comme si un parasite avait élu domicile en lui. Un étranger tout aussi implacable qu'indésirable.


Tout a commencé en Suisse, avec l'expression d'un esprit torturé et effrayant d'un artiste incroyable aux oeuvres scandaleuses, troublantes, surréalistes, mélangeant le biologique au mécanique, l'obsession à la sexualisation, le bizarre au dérangeant et au charnel.


Tout a commencé avec un jeune réalisateur anglais, esthète, avant gardiste, clippeur. Jusqu'alors aux antipodes de la science-fiction et de ses codes. Auréolé d'un Grand Prix au festival de Cannes et d'un bouche-à-oreille flatteur. Un visionnaire qui ambitionnait de réaliser rien de moins qu'un Massacre à la Tronçonneuse futuriste.


Tout a aussi commencé en 1977, alors que les salles de cinéma se remplissaient pour faire un succès surprise d'une odyssée se déroulant dans une galaxie lointaine, très lointaine. Poussant chaque studio à se lancer, à leur tour, dans une course vers l'espace.


Le reste appartient aujourd'hui à l'histoire. A la légende.


Comme cette scène de repas, tétanisante d'effroi, modèle de construction dramatique et de monté en tension insoutenable, traumatique dans l'apparition de son monstre dont la présence invisible et insaisissable lourde de menace nourrit la tension perpétuelle de l'oeuvre.


Comme ce vaisseau, au nom immédiatement évocateur, véritable trente-deux tonnes de l'espace, abritant peut être des routiers, mais surtout des représentants d'un prolétariat jouet d'une corporation. Un groupe dysfonctionnel aux antagonismes larvés. Un engin aux allures de cathédrale avalée par la noirceur de l'espace. Dont les couloirs vides, métalliques et usés, dans une visite inaugurale lente, semblent respirer, doués d'une vie propre. Laissant bientôt place à des écrans d'ordinateurs semblant s'animer et parler tout seuls.


Comme cette visite d'une autre cathédrale aux reliefs inconnus, et d'autres couloirs brumeux, organiques, suintant, moites, frémissant presque, aux allures biomécaniques intrigants, exaltants, hypnotiques. Une épave hantée d'un fantôme démesuré, une momie grotesque et mystérieuse dont les origines devaient, à l'époque du moins, rester dans les ténèbres.


Comme ce climax éprouvant, à la lumière stroboscopique, traversé du bruit lancinant d'un détecteur de mouvement résonnant comme un électrocardiogramme, ou balayé par les gyrophares crus d'une autodestruction inéluctable. Et puis, quand tout semble terminé, cette confrontation finale. Ce face-à-face en forme de huis-clos brassant terreur et étrange tension sexuelle entre une belle en train de muer et une bête, d'abord immobiles et muettes.


Comme enfin, cette créature en forme de mythe inaltérable. Solitaire mais dont l'anatomie en constante évolution lui confère une allure multiple à chacune de ses fugaces apparitions. Créant un cycle de développement aussi atypique que fascinant. D'abord sous la forme d'un oeuf charnu, visqueux et translucide révélant d'étranges doigts de sorcière. Donnant ensuite naissance à une larve arachnoïde choquante dans l'idée de viol buccal qu'elle inspire de manière diffuse et sourde.


Puis cette créature aux allures serpentines déchirant sauvagement les chairs de son hôte. Et enfin, cette forme pleinement développée, d'une glaçante pureté, comme un papillon semant la mort et la peur. Une créature inexplicablement esthétique, à la silhouette tout d'abord difficilement lisible, ultime preuve de génie d'un réalisateur voulant ménager ses effets. Avant que ses allures androgynes perturbantes, son crâne phallique et sa mâchoire saillante n'achèvent de propulser le xénomorphe au sommet du panthéon des monstres de cinéma les plus inoubliables et fascinantes.


Comme la plastique sidérante de l'oeuvre, ses visions proprement charnelles, son univers matriciel et le choc sensoriel en forme de séisme dont on perçoit, aujourd'hui encore, l'intensité de ses vibrations et de ses répliques.


Behind_Acidité gastrique_the_Mask.

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le 8 sept. 2019

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