« On ne sera bien nulle part si on n’est pas ensemble », tel est le credo prononcé par Alita et poursuivi par le film, soit le désir de tenir ensemble l’humain et la technique par le biais de l’amour et donc du genre de la romance. Le film de Robert Rodriguez, au-delà de constituer une prouesse artistique détonante, questionne l’essence même de ce qui compose l’homme et s’amuse, pour cela, à démantibuler les corps, à les réparer avec des bouts de ferrailles technologiques, à en améliorer les performances physiques sans jamais toucher à la bonté intérieure, à cette âme que définit par petites touches, par combats superposés, par déclarations d’amour, le cinéaste.


Dit autrement, Alita : Battle Angel c’est de la mécanique plaquée sur de l’humain, une mécanique qui vient décupler la puissance de ses actions sur son environnement extérieur : les coups sont plus forts, ils font plier une table de travail et crèvent un œil ; la douleur l’est aussi. Tout est exprimé et ressenti au centuple, alors même que la partie strictement humaine du corps est infime. Quelques organes. Un cerveau, un cœur. Ce que défend Robert Rodriguez ici, c’est la propension de la machine à être aussi humaine que les humains, voire davantage : le baiser échangé sur le petit pont, s’il précède la pluie qui s’abat sur le jeune couple, succède à ce constat exprimé par Hugo. Peu importe la constitution, peu importe le pourcentage d’humain dans un corps ; ce qui compte, c’est une vie authentique et menée pour les autres. L’altruisme dont fait preuve Alita ne cesse de se voir condamné par son entourage ; il constitue pourtant, par reproches successifs, la valeur principale de notre héroïne, une capacité à faire don de soi pour sauver autrui à l’origine même de nos religions, de nos mythes, de nos croyances.


Alita : Battle Angel est une œuvre liturgique qui met en scène une figure de chevalier engagé dans une croisade : il s’agit de combattre l’injustice, d’acquérir par la force – parce que toute autre solution a échoué – le droit de monter au Ciel. Motivation on ne peut plus stéréotypée, universelle en somme. La quête d’un Salut. Le personnage d’Alita est un ange déchu, il est originaire du monde d’en haut. En assemblant un être à partir de supports recyclés dans une poubelle géante, en cultivant une fleur dans une terre a priori stérile et viciée, le film construit une figure messianique capable de rallier les maudits à sa cause et soucieuse de reconquérir son identité ravie. Preuve à l’appui, elle inspire un père et convertit une mère, tombe amoureuse d’un dépouilleur qui se repentit, devient le bras armé d’une lutte axiologique au terme de laquelle le bien doit triompher. « Je ne reste pas passive en présence du mal », déclare-t-elle dans le bar avant de fracasser du chasseur d’épaves. Ce schéma christique sert ainsi de colonne vertébrale à un blockbuster brillant qui réussit l’exploit d’imposer un univers hétéroclite et assez sordide : le rythme est travaillé de telle sorte à ce que l’action scotche le spectateur sur son siège et faire que l’émotion le bouleverse, chaque séquence dure ce qu’elle doit durer, sans coupes inutiles ni surplus.


Sans hésiter, Alita : Battle Angel est le meilleur blockbuster de l’année 2019. Une œuvre splendide, rutilante, immense. Et intelligente.

Fêtons_le_cinéma
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le 19 mars 2020

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