Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution par Moorhuhn

J'ai toujours eu une relation ambiguë avec mon ami Jean-Luc. Capable de me remuer avec Pierrot le fou, capable de m'endormir avec A bout de souffle, capable de m'émouvoir avec Vivre sa vie, capable de me faire arracher les cheveux avec Week-end. Chaque fois que je lance un Godard je ne sais jamais à quoi m'attendre et quel ressenti j'aurais à la fin. Bon allez, je lance Alphaville, peut-être vais-je aimer, peut-être vais-je détester... Et finalement j'aime, j'aime beaucoup même, pour Moi Alphaville est une oeuvre fort intéressante et qui pourrait bénéficier d'une seconde vision pour en discerner toute la richesse.

Ce film m'a intrigué dès le départ. Godard signe ici une sorte de film dystopique fortement influencé par le film noir mettant en scène un journaliste/espion débarquant à Alphaville, une ville futuriste aux décors contemporains. Et c'est ça qui fait toute la particularité de l'ambiance du film. Point de rayons laser ou autres voitures volantes, le décor est réel mais pourtant on y croit à cette cité futuriste. Peut-être est-ce grâce à la photographie fort contrastée de Raoul Coutard lors des scènes extérieures qui donnent l'illusion d'une ville noire, oppressante, où l'être humain semble se déshumaniser et les mots perdre leur sens (la langue française, un thème fort apprécié par JLG).

Le film m'a un peu fait penser à Brazil, qui lui-même s'inspire de 1984 (que je n'ai toujours pas lu, pauvre de moi). Le "Big Brother" est ici Alpha60, une sorte d'entité supérieure, régie par la logique scientifique, qui fait fortement penser à la tête pensante d'un régime totalitaire. D'ailleurs cette impression règne pendant tout le film, on sent que la liberté n'est qu'illusoire, que tout vit sous contrôle, qu'il n'y a peut-être même plus de vie humaine.
Godard agrémente sa réflexion de multiples références littéraires et cinématographiques, ce film est fait avec un amour certain de l'art mais aussi avec un pessimisme saisissant quant à la nouvelle condition humaine, sans pour autant tomber dans la facilité en ne creusant pas volontairement dans une analyse sociale qui alourdirait le propos.
Constantine est fascinant, Karina magnétique, et l'univers désolé proposé est envoûtant. C'est encore une fois fort bien mis en scène et comme je l'ai sous-entendu précédemment, la photographie est géniale et très à-propos. Je reprocherais peut-être une petite surenchère de références qui m'a un peu exclu du film, peut-être l'apprécierais-je encore davantage une fois toutes ces références acquises. En tout cas je souligne un travail de maître pour un très bon film, je crois que je vais finir par bien t'aimer Jean-Luc!
Moorhuhn

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