Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution par Maqroll

Sans varier d’un pouce de sa ligne de pensée, Godard, entre Une femme mariée et Pierrot le fou, se lance dans une histoire métaphorique et parodique, à partir du personnage de Lemmy Caution, poussant même le bouchon jusqu’à conserver Eddie Constantine, interprète original du célèbre espion. C’est dans un univers d’anticipation que Godard situe son récit, une cité en dehors du système dans laquelle la logique règne en maître, les déviants étant condamnés à mort, comme cet homme qui avait pleuré le jour de la mort de sa femme… Le moment central est celui où Lemmy Caution est interrogé par une des connexions du grand ordinateur, Alpha 60 qui lui livre une partie de son credo : « Un mot isolé ou un détail dans un dessin peuvent être compris mais la signification de l’ensemble échappe… Une fois que nous connaissons un, nous croyons que nous connaissons deux parce que un plus un égale deux. Nous oublions qu’auparavant, il faut savoir ce qu’est plus… Ce sont les actes des hommes à travers les siècles passés qui peu à peu vont les détruire logiquement. Moi, Alpha 60, je ne suis que le moyen logique de cette destruction. » Rejoignant son propos de toujours, depuis son premier long métrage, À bout de souffle jusqu’à son dernier à ce jour, Film Communisme, Godard énonce ses propositions sur l’humanité en donnant au passage une nouvelle leçon de cinéma. Et par dessus les images prophétiques, arrive la petite musique, porteuse de ce lyrisme qui contredit les dialogues arides en même temps que le visage d’Anna Karina vient symboliser toute la beauté et toute la tendresse et du monde… La dernière phrase du film débouche sur l’éternelle utopie de Godard (faux naïf et vrai croyant), l’espérance d’un monde meilleur, par l’amour, par le partage, par le collectif qui vient soulager le désespoir irrémédiable de l’individu, par la poésie, par les pleurs, par la vie.

Maqroll
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le 12 juil. 2013

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