Cadence et décadence de la réussite américaine

Sujet ô combien brûlant que la banalisation d’une violence insérée dans les mœurs de la toute-puissante élite face aux plus démunis, simples amuse-bouche destinés à pimenter les appétits sanglants d’un homme que la société ne condamne jamais. Mary Harron s’empare du roman de Bret Easton Ellis et livre une œuvre malsaine à l’esthétique glaciale : nous arpentons les vastes couloirs et les pièces qu’ils relient comme la connexion de deux hémisphères antinomiques bientôt réunis dans un final déconcertant quoique de faible impact visuel, et on le regrettera. La bonne idée d’attribuer une chanson particulière aux scènes érotiques puis macabres confère une tonalité décalée savoureuse mais un peu lassante à terme : la réalisatrice répète la même structure encore et encore pour accentuer le train de vie routinier de son protagoniste principal. Bonne idée ; il n’empêche qu’une impression de sur-place finit par dominer l’ensemble malgré la qualité de l’interprétation portée, en tête, par le magnifique Christian Bale. On aurait aimé être heurté par les actions barbares pourtant normalisées de Patrick Bateman ; or la mise en scène ne parvient pas à immortaliser sa folie meurtrière, se contentant de la montrer à l’écran avec une pudeur quasi hors-sujet. American Psycho confronte l’Amérique à ses démons, à savoir la violence omniprésente et la société de consommation qu’elle exporte d’ailleurs partout dans le monde, mais ne convertit jamais l’outrance de son personnage en révulsion chez le spectateur. À l’instar de cette tour d’ivoire dans laquelle il fait bon s’enfermer et prendre soin de soi, on reste de marbre, comme tenu à l’abri de l’ouragan. On espérait la secousse. Dommage.

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le 9 janv. 2019

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