Les Ballets Russes
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Troisième film de Joe Wright que je vois. Le premier était Orgueil et Préjugés (2005), classique mais plein de fraîcheur, le second, Hanna (2011), tapageur, stupide et incohérent. En voyant la bande annonce d’Anna Karénine juste après avoir terminé le livre, j’ai eu très peur. Et j’ai eu raison, car malheureusement pour moi, ça a été presque aussi pénible à regarder qu’Hanna.
Un an après Hanna, voici donc, Anna. Et si le livre de Tolstoï est respecté d’un point de vue intrigue, la comparaison peut s’arrêter là. En effet, force est de constater que Joe Wright décide d’en mettre plein les mirettes de ses spectateurs d’entrée : pas de plan large de Moscou ou de Saint-Pétersbourg dans les années 1870, non, nous sommes plongés dans un théâtre. Pourquoi pas. Sauf que (trop) rapidement, cela va s’avérer hors sujet. Ce parti pris est certes bien filmé, il peut envoûter, mais je crois qu’il aurait mieux fonctionné avec une œuvre originale et non pas avec une adaptation. En effet, quand on connaît la profondeur du livre, tous les thèmes abordés, on comprend très rapidement que cette mise en scène va vite se révéler artificielle.
Au bout de la quatorzième minute de film, je me suis demandée : « Pourquoi ? ». Pourquoi ce choix du théâtre ? (qui sera d’ailleurs plus ou moins abandonné à mi-parcours) Pourquoi cantonner une histoire si riche dans des scènes qui s’enfilent avec pour seules transitions des passages entre la scène, les coulisses et des portes dérobées ? Pire, une fois la surprise passée, le procédé devient très vite lassant car on perd le fil d’un point de vue temporel et spatial. Où sommes-nous ? Moscou ? Saint-Pétersbourg ? Combien de temps s’est-il passé depuis la scène qui vient de s’achever ? Tout s’enchaîne à une vitesse folle. Une vitesse si folle, que l’on peine à s’intéresser aux personnages. Un mot m’est alors venu à l’esprit et il est resté jusqu’à la dernière minute du film : superficiel.
Superficialité dans le traitement des personnages, à commencer par Anna et Vronsky, deux amants qui s’aiment puis se déchirent, dévorés par leur passion. Mais de cette passion il ne transparaît rien faute d’alchimie entre les acteurs censés les incarner. Keira Knightley se contente, comme d’habitude, de grimacer et de faire des manières, tandis qu’Aaron Taylor-Johnson essaye de se dépatouiller entre ses cheveux et sa moustache factices, et un personnage vidé de sa substance pour devenir un minet sans but. Jude Law tire son épingle du jeu dans le rôle d’Alexis Karénine, mari trompé cherchant à garder toute sa dignité. Mais là encore, le personnage a été injustement appauvri. Matthew Mcfadyen dans le rôle d’Oblonsky, frère d’Anna, est proche de la perfection, mais à nouveau et c’est une sale manie dans ce film, son intérêt est devenu proche du néant. Les personnages de Lévine et Kitty dont la relation dans le livre font un contrepoids à la passion d’Anna/Vronsky sont scandaleusement mis de côtés. Ils sont là, mais ils pourraient tout aussi bien ne pas l’être (on les remerciera quand même car ils sont à l'origine de l'unique scène émouvante du film). Joe Wright a limite installé une jardinerie dans son « théâtre » comme il a transformé les 3/4 du personnages en pots de fleurs derrière Anna Karénine dont il n’est même pas fichu de dépeindre l’évolution psychologique. Au bout du compte, on se fiche bien de ce qui peut arriver aux personnages car ils ne suscitent aucune empathie. Mais Joe Wright a fait son choix : la forme prétentieuse, maniérée, au fond.
De ce film, il ne reste qu’une sorte d’écrin vide, sorte d’énième pub Chanel avec Keira Knightley réalisée par ce même Joe Wright. Adieu donc les questionnements sur, entre autres, la lutte entre la tradition et la modernité que l’on retrouve tout le long du livre, que ce soit en matière de mœurs ou à propos de la condition paysanne ou ouvrière, questionnement qui était au cœur de la société russe d’alors sous le règne d’Alexandre II, empereur qui se voulait réformateur. Adieu les thèmes du pardon, du divorce, de la religion, du sacrifice, de la jalousie. Adieu même la Russie, qui ne transpire qu’à peine dans ce théâtre tourbillonnant, qui a si peu d’âme que l’histoire pourrait se passer à Londres ou à Paris, on verrait à peine la différence. Adieu l’émotion, sacrifiée d’emblée. Adieu l’amour, adieu la tragédie. Adieu Anna.
Créée
le 5 mai 2018
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