Shakespeare revu par Roland Emmerich, c'est un peu les Beatles par Rammstein. Ca fait saliver, mais on sait qu'au fond ça risque de ne pas passer sans un bon tube de vaseline. Foisonnant mais bordélique, surprenant mais calibré, avide de vérité mais empreint d'artifices : "Anonymous" n'en est pas à une contradiction près, et c'est évidemment ce qui le rend aussi passionnant qu'agaçant.


A partir d'un postulat stupéfiant qui a de quoi faire rendre à la reine son thé de quatre heures, John Orloff a bâti une trame bancale qui multiplie les allers-retours temporels dans la plus grande confusion, surtout si l'histoire de l'Angleterre a beaucoup de secrets pour vous. Malgré ses deux heures, le film n'arrive pas non plus à donner de la consistance à ses personnages. Soit on les effleure (le comte d'Oxford, Elizabeth), soit le manichéisme les étouffe (tous les autres, mal joués en plus). Beaucoup d'idées brillantes sont vite abandonnées. Au-delà du fil rouge sur l'imposture shakespearienne, Emmerich commence en effet à développer une amorce de réflexion sur le pouvoir de l'art, son influence sur les sociétés et sur l'Histoire. Piste vite délaissée au profit de révélations qui n'intéresseront que les émules de Stéphane Bern.


Que reste-t-il donc de la patte Emmerich ? Son sens du spectacle, c'est indéniable. Un style purement hollywoodien qui rappelle combien le cinéma contemporain hérite du grandiloquent des premières tragédies "modernes" shakespeariennes. Malheureusement ça ne laisse pas grand place au mystère, qui pourtant aurait dû planer sur cette histoire dont on ne découvrira probablement jamais le fin mot. Si j'étais méchant, je dirais que ça pue un peu la malhonnêteté. Mais vu que l'histoire est belle...

magyalmar
5
Écrit par

Créée

le 31 déc. 2015

Critique lue 224 fois

magyalmar

Écrit par

Critique lue 224 fois

D'autres avis sur Anonymous

Anonymous
TheScreenAddict
7

Critique de Anonymous par TheScreenAddict

Le nom de Roland Emmerich est associé, peut-être ad vitam æternam, à la notion de spectaculaire, voire de bourrinage à l'hollywoodienne. Auteur de films catastrophe toujours plus hyperboliques...

le 9 janv. 2012

13 j'aime

1

Anonymous
Gand-Alf
5

Imposture.

Spécialiste du bon gros blockbuster qui tâche, Roland Emmerich avait touché le fond avec l'ignoble "2012". Est-ce pour se racheter une conduite que le bonhomme décide de laisser de côté le film à...

le 5 mars 2013

11 j'aime

12

Anonymous
LuluCiné
2

Critique de Anonymous par LuluCiné

Les dix premières minutes ont suffit à me convaincre que j'allais m'ennuyer pendant les deux heures restantes. Et pourtant, la bande annonce comme l'éclairage à la bougie réussissaient à mettre en...

le 9 janv. 2012

10 j'aime

10

Du même critique

L'Argent
magyalmar
1

Compte dormant

Sans doute fatigué de pondre des drames chiants pour neurasthéniques masochistes, Robert Bresson s'est surpassé afin de nous offrir son ultime chef d'oeuvre, une parabole de science-fiction sous...

le 26 mars 2018

30 j'aime

3

Les Désaxés
magyalmar
5

Huston, le monde Huston

Honnêtement, je pense qu'Arthur Miller aurait pu broder une merveille de scénario en se contentant de la dernière scène dans le désert du Nevada, où tout est dit. Après tout, un bon exemple vaut...

le 2 avr. 2016

23 j'aime

2

Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising
magyalmar
1

Alors c'est ça l'enfer

Refn est un sacré déconneur. Le défi de départ était excitant : écrire un scénario en 5 minutes. Malheureusement Nicolas dut se rendre à l'évidence. Ecrire plus de deux pages en 5 minutes c'est pas...

le 4 janv. 2014

20 j'aime

1