Un premier envol attendu pour Brandon Cronenberg, qui ne feint même pas la comparaison avec son paternel David. C’est avec une grande curiosité et une continuité saisissante qu’on finit par se jette dans les bras étouffants d’un nouveau cinéaste pour le grand écran. Tous deux cultivent ce style paranoïaque, qui ne brise pas toujours les esprits, mais qui reste dans les mémoires. Les exemples sont bien nombreux, mais c’est à une nouvelle palette dont nous avons à faire ici. Brandon opte ainsi pour une science-fiction, imbibée dans un univers viral, où la question d’idole est creusée à l’échelle de l’infiniment petit. Si les cellules définissent biologiquement un individu, on les détourne dans un récit qui appelle inévitablement la chair et le sang. Et de cette recette vitale et identitaire, on sent un réel désir de rupture avec la souche de l’obsession. L’idole n’est donc plus qu’une viande froide, dans un contexte où sa souffrance fait l’objet d’un commerce douteux.


Nous pouvons, à raison, croiser ce portrait dystopique contemporain avec l’ombre d’un David qui plane. Tout comme les sujets de son récit, Brandon tente également la communion avec le cinéma de son père. Il est donc intéressant de ne pas prétendre immédiatement un détachement avec sa souche familiale et d’accepter cette œuvre comme une passerelle ou une forme d’approbation. Retrouvons alors Syd March (Caleb Landry Jones), figure symbolique de l’employé libéraliste, qui évolue dans une clinique, où l’herpès et autres virus des célébrités font l’objet d’une convoitise. Cette demande dépasse le constat spirituel du genre, car on n’impose plus de limites à l’incubation de maladies mortelles. Il s’agit d’une relation intime où la technologie se mêle au cannibalisme et vice-versa. Le corps n’a plus qu’à être partagé et assaisonné pour le plaisir d’un nouveau fan system, qui détériore à la fois l’identité et la légitimité même des consommateurs.


On n’hésite donc plus à dévitaliser les personnages de leur éthique, mais c’est également dans ce type de développement que Cronenberg perd sans doute le contrôle. En laissant ses marionnettes humaines vagabondées dans un décor, qui a tout pour évoquer la fièvre dans une boîte de pétri, il en oublierait presque qu’il y a davantage de caractérisations qui les attends au-delà d’une fonction cellulaire. L’intrigue relâche un peu trop souvent la tension et se repose trop sur un concept qui s’essouffle à son premier tier. Ce qu’il nous reste à croquer vient de cette manière de présenter l’absurdité des idoles culturelles. On fantasme et on extrait de ces personnes l’empreinte même d’une existence qui n’a pas de sens dans un contexte de partage. Il s’agit d’une hallucination collective qui mène ainsi la majorité d’entre nous à hériter de cette obsession, vue alors comme la maladie la plus virale, où il n’y a que les idées reçues qui gagnent au jeu de l’excès. Mais une fois encore, cela manque d’être généreusement développé, à défaut de nous avoir fait germer cette piqûre de rappel.


Bien qu’il ne s’agisse pas du même étalon que celui du paternel, « Antiviral » espère s’en approcher avec enthousiasme. En poinçonnant son parcours de dégoût corporelle, Brandon ne s’attend pas à restaurer « La Mouche » à travers sa gastronomie, non loin d’être incompatible, mais qui ne demande qu’à être perfectionné, en prenant la température avec ses aiguilles les plus stériles. Là où cela sonne creux par moment n’est qu’un teasing pour ce qu’il reste à venir, espérons-le fortement.

Cinememories
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le 26 janv. 2021

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