Après L'eau froide et Carlos, Après mai permet à Olivier Assayas de retourner dans les années 70, précisément dans les années 1971-72. Mais ce film est sans doute le plus autobiographique de son auteur - comment ne pas voir dans Gilles, un double du cinéaste ; ce qui lui donne une place à part dans l'oeuvre d'Assayas. Le cinéaste parle ici de ce qu'il connait ; ce qui fait de son film un témoignage personnel et restrictif et non d'un grand film sur la jeunesse des années 70.


Nous suivons donc un groupe de lycéens d'extrême-gauche dont leurs actions militantes leur permettent de croire au grand soir. Mais ce groupe soudé va petit à petit se fissurer par des visions divergentes sur les actions à mettre en place, sur le discours politique à suivre (un regard désormais critique sur le maoïsme par exemple, des divergences sur le féminisme) et même sur la vie à venir que ces jeunes, à l'aube de leur vie adulte, vont devoir mener. Des questions de jeunes bourgeois : doit-on travailler en usine pour vivre comme des ouvriers ? doit-on partir dans des pays oppressés pour filmer et témoigner ? Doit-on penser à ses propres aspirations personnelles, à son propre bonheur. Le personnage de Gilles traduit bien ce dilemme entre destinée personnelle et militance collective, entre art et politique. C'est un classique voyage en Italie (patrie des artistes pour faire ses classes) qui va marquer une irrémédiable rupture, Gilles préférant se rendre à Pompéi que de suivre une équipe de cinéma politique - Il juge d'ailleurs les documentaires produits en cinéphile et non comme militant (l'esthétique cinéma passant pour lui avant le discours). Dans Après mai (dont le "après" sonne comme un couperet), l'ivresse de mai 68 sent un peu la gueule de bois ; le film est "dépassionné" et le caractère atone de Gilles montre bien que la fête est finie. Après mai est ainsi un film désincarné, hésitant, brouillon parfois, qui traduit bien, au risque de perdre le spectateur en route, cette période de transition, cet entre-deux inconfortable entre grands idéaux et retour à la réalité.


On peut d'ailleurs se demander pourquoi Assayas a attendu près de 30 ans avant de monter ce film. Peut-être, le temps aidant et une belle carrière à mettre en avant, peut-il plus facilement se justifier d'avoir fait le bon choix ?

denizor
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le 23 déc. 2019

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