Clara résiste. Des promoteurs rodent autour de son immeuble, l'Aquarius, immeuble du front de mer de la ville brésilienne de Recife. C'est pour éviter qu'il ne reste de lui qu'un moderne complexe résidentiel que Clara choisit de fermer sa porte à double tour.


Pour résister, Clara choisit de vivre. Et ce n'est pas le bruit de la ville que l'on entend gronder mais celui de la vie, du vent chaud et violent de la révolte que mène Clara contre une force qui la dépasse. Une révolte qui se nourrit d'amour pour ceux qui font sa vie : ses amis, sa famille, la musique, la culture et les choses qui font la vie qu'elle aime sa vie à Recife. Clara choisit d'exister au delà d'un environnement bouillonnant qui veut qu'elle disparaisse.


Elle vit, Kleber Mendonça Filho l'accompagne, vit à côté d'elle, la regarde avec une bienveillance et une pudeur bouleversante. Il s'écarte du personnage pour laisser ses désirs éclore, ceux qui lui permettent de vivre.
Il trace le portrait d’une femme sublime, qui évolue entre les éléments, dans le fort de son intimité, grâce à la musique, à ses écrits et ses souvenirs et ceux qui l’ont fait vivre. Une femme que son cancer et la marque qu'il laisse sur son corps ont fait grandir.


Mendonça Filho saisit la vibration de choses, des égos, des affects et de ce qui fait la richesse de la vie. Au coeur du vaste panoramique qu'il construit, il est le portraitiste du détail, à l'acuité extrême pour les détails qui renvoient les personnages à leurs souvenir, à leurs jouissances, celles de l'orgasme ou du souvenir pour l'amour des siens. Mendonça Filho trace les contours des choses qui font vivre les personnages, leurs relations familiales, leurs relations amicales, leurs désirs intenses et profonds.


C'est dans cette acuité matérialisée par des zooms dans la foule, des caméras subjectives capables de matérialiser la révolte de Clara que le réalisateur offre un portrait de femme révolté et flamboyant.
Et ce qu'il se passe entre les hommes est aussi ce que l'on aperçoit du poids des positions sociales dans un Brésil contemporain peu à peu gangréné par le pouvoir de l'argent, des séparations franches entre les hommes et leurs richesses, entre les dominants et les dominés d'un système sur lequel Mendonça Filho porte un regard alarmant.


Aquarius est la fresque monumentale d'une vie au coeur d'un pays en mouvement. Une ode vibrante à la vie et aux détails qui permettent l'espoir dans un environnement assourdissant où la nécessité du choix terrifie. Mendonça Filho rassure, rappelant que la sensualité naturelle des corps, des sentiments, des affects est nécessaire, loin d'être remplaçable et secondaire. Il y a du cinéma de Sorrentino dans les scènes où la foule et les gens, où les corps se touchent et se rencontrent et où l'amour naît. Du Mendeonça Filho dans l'amour de la puissance et de l'énergie de la foule.

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le 21 janv. 2017

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