Une poétique vie de banlieue



Samuel Benchetrit revisite poétiquement l'habitation en banlieue HLM en bouleversant la vie de trois personnages types. Sternkowtiz le rabat-joie et raté du premier étage, interdit d'ascenseur, se retrouve en fauteuil roulant et mène une vie en toute clandestinité entre son studio miteux et les distributeurs alimentaires de l'hôpital où il fait la rencontre d'une infirmière de nuit en pause clope. Madame Hamida, la mère kabyle typique qui fait le meilleur couscous du monde et dont le fils est en prison se voit dans l'obligation bienveillante d'accueillir 48 heures durant un astronaute américain de la NASA arrivé sur le toit de l'immeuble suite à une erreur de calcul. Enfin Charlie, un ado en BMX qui vit avec sa mère, omni-absente, fait la rencontre de sa nouvelle voisine, Jeanne Meyer, une actrice des années 80 dont la carrière s'essouffle dans la vodka. Ces trois rencontres inattendues permettent au réalisateur d'adopter un nouveau point de vue sur la banlieue, l**'étranger n'est pas celui-qui y vit mais celui qui y arrive, qui n'est que de passage**.


" Ce qui me plaît dans un film, c'est quand on me raconte un état du monde, c'est quand le cinéma se trouve entre rêve et prévision" déclare Samuel Benchetrit suite à la projection de son film Club de l'Etoile dans le cadre de la troisième Cinexpérience. En effet, Asphalte obéit à cet entre-deux: la banlieue qui y est peinte reste certes ce paysage décrépi, ce monde isolé, enfermé dans un passé, comme nous le rappelle le choix du cadrage en 4/3 (type années 80), mais ouvert sur et par les rêves et les espoirs de ses habitants.


"Ce film me rend heureux" affirme son réalisateur, et il n'est pas le seul à être sorti de la salle le sourire aux lèvres. En effet, on y rit beaucoup, l'incompréhension, le quiproquo, le grotesque et la raillerie sont autant de ressorts comiques dont témoignent ces folles rencontrent. Mais à côté du rire, il y a la larme de tendresse versée lorsque Charlie, en manque d'une mère, rencontre Agrippine, ou encore celle discrètement essuyée du revers de la main lorsque Madame Hamida, en manque d'un fils, fait découvrir son merveilleux couscous à John. L'oeuvre de Samuel Benchetrit, parce qu'elle donne une image de la banlieue tant dans notre quotidien que dans notre imaginaire, reste ouverte à de nombreuses lectures et interprétations qui dépassent la simple réflexion sociale.


Osez franchir vous aussi le hall d'entrée délabré de cette barre miteuse de l'est français, je vous conseille l'escalier, quoique les portes de l'ascenseur pourraient s'ouvrir sur un monde étonnant de rêve et de tendresse.

CharlesCrtn
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le 18 sept. 2015

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Charles Creton

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