Moby Dick,la véritable histoire.En 1820,le baleinier Essex quitte l'île de Nantucket,dans le Massachusetts,plus grand port américain de pêche à la baleine,pour une longue campagne destinée à ramener un maximum de barils d'huile extraits des baleines ou des cachalots capturés.Ce produit valait à l'époque très cher car on ne connaissait pas encore ni le pétrole ni l'électricité et il servait à faire fonctionner lampes à huile,éclairages publics,et entrait dans la fabrication de nombreux produits tels que la cire de bougie,le savon,la laine ou les peintures.Très vite,des dissensions apparaissent entre le capitaine du navire,George Pollard,et son second Owen Chase.Le premier est aussi arrogant qu'incompétent.Il n'a aucune expérience et doit son poste au fait qu'il est le fils d'un puissant armateur.Chase n'est pas du sérail,c'est un fils de paysan mais il est compétent,ambitieux,apprécié de l'équipage,et il a de nombreuses campagnes à son actif.La pêche n'étant pas très bonne,l'Essex doit prolonger sa route,passer de l'Atlantique au Pacifique en contournant le Cap Horn et remonter vers l'Equateur pour atteindre les lointaines zones hauturières.Là,ils découvrent des bancs énormes de cachalots,mais la joie des marins va être de courte durée car ils vont se heurter à un cétacé surdimensionné et diablement intelligent qui va couler le bateau et poursuivre longuement les rescapés.Ron Howard n'est pas un réalisateur génial,il n'écrit généralement pas ses scénarios,il ne délivre pas de messages politiques ou philosophiques essentiels,mais il sait fabriquer du grand spectacle,à l'instar des faiseurs hollywoodiens d'autrefois,ceux que les critiques intellos appelaient dédaigneusement des tâcherons."Au coeur de l'océan" est l'adaptation d'un livre de Nathaniel Philbrick qui raconte l'histoire vraie de l'Essex,fait historique qui a inspiré à Herman Melville son célébrissime roman "Moby Dick",lui-même porté plusieurs fois au cinéma,la version la plus connue étant celle de 1956,réalisée par John Huston.Howard a eu d'importants moyens,qu'il a su mettre sur l'écran.La direction artistique est extraordinaire et donne une reconstitution d'époque fabuleuse,rien n'étant laissé au hasard.Navires,costumes,décors intérieurs et objets peuplent l'image et crédibilisent le film.La photo d'Anthony Dod Mantle,avec qui Howard avait travaillé deux ans plus tôt pour Rush,est magnifique,stylisée dans les clair-obscurs et les lumières mordorées,ce qui donne un cachet vintage au film.D'ailleurs,d'innombrables plans sont d'une beauté magique,Dod Mantle exploitant à merveille la photogénie variable des océans et des intérieurs,tandis que la musique de l'espagnol Roque Banos,compositeur attitré d'Alex De La Iglesia,se révèle puissamment immersive,ce qui est de circonstance.La réalisation d'Howard est également très élaborée.Il part souvent de gros plans soulignant des détails de l'image pour élargir ensuite à des plans d'ensemble qui remettent les situations en perspective.Il maîtrise très bien la narration et parvient à transmettre le souffle de la grande aventure.La première partie du film est quasiment documentaire sans être le moins du monde ennuyeuse,le spectateur étant plongé au coeur de la vie de ces marins qui n'avaient que le sentiment de faire leur boulot mais passent vu d'aujourd'hui pour des fous furieux.Ces mecs s'embarquaient pour des années loin de leur foyer,sans nouvelles de leurs familles,pour effectuer un travail extrêmement dur et dangereux dans des conditions dantesques.Ils n'étaient jamais sûrs de revenir et devaient opérer de manière plutôt rustique.On s'aperçoit d'abord à la vision du film que leur métier réclamait beaucoup de technicité.Les marins sont souvent représentés comme des brutes débiles et avinées alors que les manoeuvres nécessaires au fonctionnement d'un bâtiment sont bien plus compliquées qu'on ne le pense.Et pour les baleiniers,c'était encore pire car ils devaient en outre se livrer à une forme de pêche éminemment périlleuse dans des conditions de sécurité à peu près nulles.Il s'agissait tout bonnement de prendre des chaloupes et d'aller harponner les cétacés,de véritables monstres aquatiques.Et quand l'opération réussissait,il fallait découper la bête et extraire l'huile dans la graisse et la puanteur.Ces types étaient des aventuriers,des vrais,pas les branleurs actuels qui se donnent des frissons bien encadrés et sécurisés à Koh-Lanta ou Pékin Express.Après cet aspect documentaire,Ronnie embraye sur le grand huit à base d'effets spéciaux renversants.Il multiplie les plans exploitant tous les angles,du subaquatique au plan aérien en passant par le filmage à hauteur d'homme,les séquences de chasse et les attaques du cachalot qui explose tout sur son passage étant terrifiantes.Il y a aussi une progression dramatique intéressante,ce qui commençait comme "Les révoltés du Bounty",les rapports antagonistes de Chase et Pollard rappelant fortement ceux de Fletcher Christian et du capitaine Bligh,se terminant à la façon des "Survivants".Au rayon défauts,on peut remarquer que le film perd en intensité et traîne un peu en longueur vers la fin,et les intermèdes présentant Melville et le marin rescapé qui lui conte son histoire cassent inutilement le rythme.Les acteurs sont bien choisis et ont les physiques virils correspondant au contexte.Celui qui tire le mieux son épingle du jeu est Chris Hemsworth,qui avait incarné le pilote automobile James Hunt dans "Rush",le Howard précédent.Charismatique et énergique,il surclasse un Benjamin Walker plutôt terne dans le rôle de Pollard.Cillian Murphy est excellent dans le rôle du lieutenant Joy,comme il sait l'être lorsqu'il reste sobre,alors que le visage en lame de couteau de Joseph Mawle imprime bien la pellicule.