[CONTIENT DE VRAIS MORCEAUX DE SPOILERS]


Tout le monde l'attendait comme le messie, le film qui devait constituer l'apothéose d'une série qui dure déjà depuis dix ans, pour le sympa comme pour le pire. Et moi, pas vraiment.
Déjà, sur le papier, l'idée de réunir tant de super-héros dans une seule superproduction ne m'enchantait pas (le souvenir d' "Avengers 2" était encore douloureux), le résultat ne pouvait être que bancal et brouillon, privilégiant le fan-service et laissant les simples animateurs de cinéma non fanatiques de Marvel sur le carreau. Et puis, il y avait les frères Russo à la réalisation. Incapables de filmer proprement une scène de bataille entre une dizaine de héros dans "Civil War", comment pourraient ils adapter leur shacky cam et leurs cuts illisibles à l'ambition dantesque et épique d' "Infinity War" ?
Et puis le trailer est tombé. Je m'étais encore fait avoir, j'allais encore aller voir le dernier Marvel. Et quelle bonne surprise.
Pour le synopsis : Le titan galactique Thanos, ennemi de l'ombre (qui tire les ficelles des principaux événements du premier "Avengers" et "Gardiens de la Galaxie"), décide enfin de s'attaquer en personne à la Terre pour s'emparer des "pierres d'infinité" (dont certaines sont en la possession de nos héros) qui, une fois incrustées dans son gantelet magique, lui permettront de détruire d'un claquement de doigts (littéralement) la moitié de la population de l'univers. Ce "sacrifice" est, selon lui, inévitable pour lutter contre la surpopulation et "repartir sur de bonnes bases" (sa planète d'origine ayant dépéri du fait de son nombre trop important d'habitants comparativement à ses ressources). Notre grand méchant est donc un genre de Malthus de l'espace, en somme.
Face à lui, se dressent donc la quasi intégralité des héros qui nous ont jusque ici été présentés (mis à part Ant-Man et "Œil de Faucon"), humains ou extraterrestres, mutants ou androïdes, à poils ou à plumes. Bref. Et c'est là que le dernier rejeton des studios Marvel fait fort.


"Infinity War", tout comme "Batman V Superman", réussit le pari un peu fou de traiter en un seul film de nombreux arcs narratifs tout en restant cohérent et plaisant à suivre (malgré les nombreux défauts sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir).

Les scénaristes ont été assez habiles pour ne pas centrer le film sur quelques personnages iconiques et reléguer les autres au rang de caméos, tout en prenant également le temps de développer le méchant. Et ça, en 2h30 de film, c'est plutôt du bon boulot.
Autre question intelligemment traitée: celle des changements de ton. Les scénaristes ont eu la présence d'esprit de ne pas provoquer de rencontres “brutales” entre les personnages serious-business (Captain America, Black Panther) et les héros loufoques et hauts en couleurs (Rocket, Drax). Ainsi, les Gardiens de la Galaxie et Thor s'accordent bien dans une virée spatiale décomplexée car le personnage de l'Asgardien avait déjà largement était démystifié dans « Ragnarok ». De la même manière, Star-Lord est confronté à d'autres personnages à l'ego au moins aussi important que le sien (Iron Man, Dr. Strange).
Bon, ceci étant dit, la formule Marvel en ce qui concerne l'humour lourdingue est toujours d'actualité... Si le personnage de Spider-Man nous gratifie d'un humour situationnel léger et bien dosé, les Gardiens enchaînent malaise sur malaise... le problème, c'est que dans un film basé sur des enjeux si urgents, casser l'action avec des blagues, ça ne fonctionne vraiment (vraiment) pas. Mais bon, cela reste un bémol assez mineur (bon, par contre, le personnage de Chris Pratt est insupportable de A à Z, et ça, c'est pas mineur).
En clair, en plus de faire la démonstration d'un talent d'écriture certain, "Infinity War" met aussi à l'épreuve l'ensemble du MCU, sa cohérence, la pertinence de ses choix. Et force est de constater que, si certains films pris individuellement étaient anecdotiques/très moyens ("Thor", "Captain America", "Iron Man 3") voir carrément nazes (L'incroyable Hulk", "Iron Man 2", "Avengers 2"), la longue mise en place des enjeux propres à cet univers a porté ses fruits. Les personnages sont cohérents, les arcs narratifs précédents s'imbriquent sans difficultés, et après tant de films plus que moyens, cette réussite est d'autant plus surprenante.
Ça peut paraître bête, mais après avoir visionné les deux « Gardiens de la Galaxie » et « Thor : Ragnarok », on ne s'étonne pas lorsque l'on assiste au départ pour l'espace de Spider-Man et Iron-Man, aussi ridicule que cela puisse sembler.
Par contre, on pourra reprocher les trop nombreux raccourcis scénaristiques (la faute aux pauvres 2h30 du long-métrage). Les personnages se rencontrent trop rapidement, les sauts dans l'espace et dans le temps sont souvent difficiles à quantifier... Et aussi, je trouvais déjà que « Ragnarok » avait transformé Bruce Banner en benêt pathétique, et ce n'est pas ce film qui permettra à Mark Ruffalo de regagner sa prestance du premier « Avengers ». Le brillant scientifique se contente de jouer le sidekick rigolo et c'est bien dommage.


Puisqu'il faut bien parler du méchant, abordons le cas Thanos. Certains ont acclamé la « complexité » du personnage...faut rien exagérer, hein. Oui, certes, ses plans vont légèrement au delà de « tuer toute la galaxie » mais c'est pas comme si ses motivations étaient révolutionnaires (le méchant hilarant joué par Samuel L. Jackson dans « Kingsman » parodiait déjà ces vilains « purificateurs de l'humanité »). Ceci étant dit, le film réussit le pari de faire de Thanos un ennemi iconique et relativement bien écrit en l'espace d'un seul long-métrage, et ça non plus, c'était pas gagné. Je me suis même surpris à ressentir de l'empathie pour lui lorsqu'il se résout à sacrifier sa fille adoptive pour mener ses plans à bien.
Et puisqu'on parle de morts importantes, le film n'est pas avare en fins tragiques, puisque le très apprécié Loki est étranglé à mort par le bad guy dans la scène d'ouverture...ambiance.

La tragédie arrive enfin à véritablement pointer son nez dans l'univers marvel, et la réalisation des frangins Russo y est également pour quelque chose. Moi qui avais détesté leur shaky-cam immonde et leurs cuts illisibles dans « Civil War », force est de constater qu'ils ont été à la hauteur pour « Infinity War ».
Les plans séquence caméra à l'épaule créent une véritable tension, ramènent la menace à quelque chose de tangible et de plus « terre à terre ». A titre d'exemple, lorsque nos héros sortent de la demeure de Strange pour découvrir le chaos causé par les sbires de Thanos dans la ville, ils sont suivis par une caméra qui les renvoie à leur condition d'humains minuscules, condamnés à se faufiler au milieu des décombres, plongés dans la même incompréhension que les spectateur. On est à mille lieux des plans séquences héroïsants et iconiques de Joss Whedon.
La violence des coups est réellement perceptible, notamment dans le premier affrontement entre Thanos et Hulk, avec de véritables tatanes de titans (c'est marrant à dire ça, « tatanes de titans »...), et le récit gagne en noirceur.
Et puisqu'il s'agit de noirceur, « Infinity War » se paie le luxe de finir sur un carnage général, avec une bonne partie des héros qui se changent en poussière suite au fameux claquement de doigts de Thanos. On a beau se douter que les scénaristes trouveront une astuce pour nous faire revenir à la vie au moins une partie de ce beau-monde dans le prochain opus, on ne peut s'empêcher d'être ému par la disparition du jeune Peter Parker qui, blotti contre son mentor, répète qu'il « ne veut pas partir ». La disparition subite du très stoïque Stephen Strange est également marquante. Une belle sensation de fatalité habite le spectateur lorsqu'il quitte la salle.
Enfin, je finirai cette chronique sur ce qui constituait ma plus grande peur avant de visionner « Infinity War » : les scènes de bataille. Si les Russo avaient démontré un certain goût pour filmer les combats de corps à corps, la triste scène de l'aéroport de « Civil War » avait refroidi beaucoup de monde (moi y compris) et semé le doute sur la capacité des frangins à rendre épique les affrontements impliquant de nombreux protagonistes.
Et à ma grande surprise, les combats de grande ampleur sont très réussis, avec notamment des plans aériens impressionnants durant la bataille du Wakanda (bien plus réussie que celle de « Black Panther », cela dit en passant). La lisibilité n'est pas toujours au rendez-vous, mais la réalisation dégage une violence et une ampleur appréciables.


Pour conclure, « Infinity War » souffre des tares habituelles des films du MCU (humour balourd, raccourcis scénaristiques, personnages agaçants...). Il n'en reste pas moins que la réunion tant attendue est une réussite sur de nombreux points, et que le film dégage un réel « souffle », tout comme « Black Panther », le précédent rejeton des studios Marvel/Disney. 

Les films Marvel deviendraient-ils, lentement mais sûrement, des blockbusters réellement appréciables, sachant combiner action, émotion, personnages intéressants et écriture intelligente ? Rien n'est moins sur, et ce doublé réussi pourrait bien tout avoir d'un coup de chance, mais les espoirs sont permis...

Créée

le 16 mai 2018

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Mr_Step

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