Avant le lancement du film, les classiques bandes-annonces. Celles qui précèdent Avengers : L’ère d’Ultron nous notifient une avalanche de blockbusters pour les mois à venir : Jurassic World, Terminator: Genisys, Les 4 Fantastiques ou encore Ant-Man débarqueront cet été. Suivront les très attendus Star Wars VII et Batman v Superman. Bénéficiant du succès stratosphérique de leur premier opus (avec plus d’un milliard et demi de dollars de recettes, troisième plus gros succès du box-office mondial à l’heure actuelle), les Avengers se devaient donc de proposer quelque chose de neuf, sans quoi la pérennité de leur succès (au moins critique) serait compromise. Verdict ?


De ce plan-séquence d’introduction, où l’on veut nous faire saisir l’alchimie de tous les membres de l’équipe, l’on retiendra deux enseignements : premièrement, que l’utilisation abusive du numérique et du fond vert est dangereuse pour la mise en scène (impossible ici de reconnaître – parmi un tel fouillis plastique – celle de Whedon). En second lieu, que l’on vient d’entrer de plein fouet dans un véritable délire visuel, qui n’aura de cesse de réalimenter les explosifs de son feu d’artifice. Pour deux heures entières. Nous voilà prévenus.


Hulk VS Iron Man


Mais nous voilà aussi déconcertés. Car le film se cherche pendant au moins une heure, alternant les séquences de guerres urbaines, d’explications plus ou moins cohérentes de concepts informatiques fantasmés, et même de douces romances (entre Hulk et Black Widow principalement). Celles-ci sont juxtaposées sans réelle connexion, et nous détachent des enjeux d’un scénario finalement assez simple, voire simpliste, qui vise seulement à justifier (ou bien à complexifier) son propre bien-fondé, à travers des flashbacks ou des expéditions mondialisées, en Afrique et en Europe de l’Est, dans des contrées imaginaires.


Il faut donc attendre le fameux (et démentiel) affrontement entre Hulk et Iron Man – d’une rare intensité – pour que le film ne se lance pleinement, et s’assume enfin pour ce qu’il est : un divertissement Marvel de la même trempe que les autres, c’est-à-dire ouvertement basique et qui promet de tout détruire sur son passage. La recette de la firme repousse chaque fois un peu plus le plafond de verre de l’overdose ; d’où cette inquiétude quant à l’explosion prochaine, inévitable. L’obligatoire bataille aérienne finale (déjà répétée dans Captain America, le Soldat de l’hiver, ou Les Gardiens de la Galaxie pour ne citer qu’eux) passe encore, mais pour combien de temps ? L’arc narratif, véritable simulacre de scénario ne tendant qu’à tout faire converger vers sa dernière demi-heure – aussi époustouflante soit-elle – finira par s’épuiser, c’est certain. Peu importe, semble répondre Marvel, dont les ambitions faramineuses devront, de toute façon, tôt ou tard, trouver relèves.


Un propos trouble, pour un cahier des charges inchangé


Même le propos de ce second volet semble s’enchevêtrer. Avant-tout car sa note d’intention sur la création et le progrès est illisible, et n’est exaltante qu’à une reprise (cette géniale idée de l’IA qui crée elle-même une IA). Par trop peureux de revendiquer un réquisitoire quasi-marxiste sur la-machine-qui-remplace-l’homme dans un pays comme les Etats-Unis, Joss Whedon propose une leçon assez étrange, qui métamorphose peu à peu son conservatisme en réaction populiste. L’idée qu’Ultron se fait du changement ou de l’évolution (détruire le monde) est ainsi perçue comme la seule avancée proposée ; face à elle la restauration (ou conservation, c’est assez flou mais pourtant très différent) du glorieux passé prôné par Captain America. Sans parler d’Iron Man, qui propose à ses ennemis de « discuter » après les avoir dégommé un à un.


Reste que certaines données varient par rapport au premier, mais finissent en fait par s’équilibrer : les progénitures d’Ultron prennent la place des Chitauri en fin de film, Hawkeye gagne en profondeur ce que Thor y perd, et l’épatante Elizabeth Olsen rivalise avec la sulfureuse Scarlett Johansson (qui s’offre l’un des rares passages d’humanité au milieu de ce fracas oppressant). L’humour cool (ou ado, c’est selon) stagne, les scènes d’action se réinventent quand les raccourcis scénaristiques se font sentir : le cahier des charges est tenu, varie quelquefois mais demeure exigu. Comprenez : vous savez ce que vous allez voir et c’est un peu le problème. Comment espérer être surpris par l’énième épisode additionnel d’une franchise omniprésente qui dégaine les mêmes enjeux depuis sept ans (et dix films) ?


Avengers : L’ère d’Ultron est un spectacle ahurissant, lessivant, ébouriffant, qui joue sans cesse avec ses limites. On en sort avec une drôle d’analogie en tête : à l’image de cet épilogue totalement démesuré, Marvel flotte pour le moment au-dessus des nuages, et s’en éloigne peu à peu. Mais semble oublier qu’avec l’altitude, l’air devient moins respirable. L’asphyxie ne saurait tarder.*


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le 23 avr. 2015

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