Lorsque l'on consulte la fiche Allociné d'Une merveilleuse histoire du temps et que l'on s'aperçoit qu'une majorité d'acteurs ont pour portrait un carré gris (sauf pour un acteur français totalement incongru, on vous laisse chercher), l'on se dit que l'avertissement était lancé avant même la sortie du film. Pas qu'un casting anonyme donne forcément un mauvais film, non. Seulement, la (très restreinte) filmographie de son réalisateur, son histoire - celle de Stephen Hawking -, et ses nominations à la pelle ne laissaient que deux possibilités. Ou bien le film indé monumental, ou bien le stéréotype du biopic conformiste.

La réponse est la seconde, et nul besoin d'attendre pour la voir confirmée : depuis cette ouverture sur une course à vélos entre potes, sourires et violons de mise, l'on avait senti le goût de Marsh pour l'académique recette du "je veux mon Oscar". Le point de vue ne pouvait être ainsi que celui de la vie privée d'Hawking ; exit donc toutes les recherches et les théories émises par le scientifique - qui ne servent ici qu'à faire comprendre qu'elles sont révolutionnaires, sans jamais que l'on nous estime assez instruits et vifs d'esprits pour saisir pourquoi - place à l'intime et au sentimental.

Et après tout pourquoi pas. L'intime et le sentimental n'ont jamais été dépendants de la qualité cinématographique de l'oeuvre qui les porte, à condition qu'ils y soient intégrés avec un minimum de justesse. Seulement, une complication supplémentaire apparaît rapidement : la démarche, sincèrement télévisuelle, empêche toute empathie vis à vis d'un scénario coulant, qui préfère désacraliser la maladie par un humour (assez bien senti cela dit) que de la traiter dans ce qu'elle empêche de plus gênant. Mais les images sont lourdes, et la mise en scène insipide.

Aux très clichées embrassades sous un feu d'artifice et autres disputes ou tensions sous la pluie s'ajoutent une complaisance écœurante quant aux questions de la vie de couple qu'ils forment et des infidélités qu'elle suggère, ainsi qu'une caméra sans idée et dépossédée de son propre atout, totalement absente de ce qu'elle filme. Et ce n'est ni Felicity Jones, très peu convaincante, ni le GoldenGlobisé mais néanmoins fade Eddie Redmayne qui donneront une empreinte à ce film qui en manque cruellement. Tout n'est pas à jeter bien sûr, et la manière dont le mélodrame s'empare du film en dernière partie est à saluer. Le fait de ne pas correctement appréhender la lente destruction du corps alors que l'esprit résiste devient alors d'autant plus regrettable : les deux aspects sont mélangés et broyés dans un pataquès nauséeux de compassion forcée.

Merveilleux. Extraordinaire. Incroyable. Le cinéaste n'a de cesse de nous répéter ces superlatifs, et de les surligner à grands coups de marqueurs, comme si son spectateur était incapable d'automatiser ses bons sentiments. Problème : ils sont inhérents à la vie de ce grand Monsieur, et non au film de ce petit metteur en scène.
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le 21 janv. 2015

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