Commençons ma critique de manière métaphysique (afin d'éviter de manière hautaine de dire que les gens sont cons, oups) : qu'est-ce que c'est « voir un film » ? Il y a deux attitudes possibles pour le spectateur. Celui-ci peut au choix voir le film selon des attentes et juger à quel point le film peut répondre à ces dites attentes, voir les dépasser. La seconde attitude est de demander au film ce qu'il veut nous offrir. C'est-à-dire que nous pouvons partir non comme un conquérant, mais de manière humble : quel est le propos du film ? Et alors seulement une fois que ce propos est compris, le film peut être jugé.


Batman et Robin est un des meilleurs Batman que le monde ait eu. Il suffit, pour le comprendre, de comprendre le film. Mais pour cela il aurait fallu que les pseudo-critiques puissent peut-être regarder le film. En effet, ce film est très beau, un réel soin esthétique est apporté tout le long du film aux décors, aux ambiances. Des angles de caméras audacieux sont proposés là où le montage assume totalement un ton décérébré, vif, nerveux même voir vomitif. Jamais un détail n'est laissé de côté.
Le film est soigné ! C'est indéniable (sauf si on est trop imbu de soi-même pour s'en rendre compte). La question est alors : peut-on louper son projet en faisant autant attention à offrir cette cohérence d'ensemble ? Et si … L'échec Batman et Robin était la réussite du film ?


Entendons-nous là, je ne prétends pas que Joel Schumacher a fait exprès de louper son film pour plomber la licence (licence qui fut loin d'être plombée d'ailleurs quand on regarde dans le détail). Non ce que je veux dire c'est que le but de ce film est d'être une comédie caricaturale, volontairement lié Batman de 66 pour lequel Schumacher n'a jamais caché son amour. C'est une énorme pub pour jouet en réalité !
Il faut se remettre dans le contexte de production de l'époque... Les Batman de Burton, aujourd'hui adulés, sont eux vécus comme n'étant pas à leur place. Et s'ils étaient en réalité totalement en osmose avec le ton sombre de la fin 80's début 90's, pour les studios on s'éloigne de Batman : un personnage pour les enfants servant à vendre des jouets.
Batman et Robin est l'impossibilité pour Schumacher de faire un film sérieux. Il décide alors sérieusement d'aller au-delà de Batman Forever, d'assumer à 100% et de réaliser le plus sérieusement du monde le Batman le moins-sérieux possible.


Qui peut croire que l'ouverture sur les Bat-culs et Bat-tetons sont liés au hasard, à une erreur ? Non ! Tout cela est calculé pour un résultat 100% comique et ridicule. Vous riez devant ce film parce que vous le trouvez ridicule ? Vous faites, de ce fait, ce que Schumacher voulait ! Vous prouvez la réussite du projet. Ce film se veut être drôle et il y parvient sans grande difficulté.


Si on fait attention on note à quel point il y a une volonté de cohérence d'ensemble dans le côté kitch, dans le côté ridicule. On comprend vite que tout a été calculé pour donner ce sentiment total de gothisme bariolé. C'est Schumacher qui déclare à Burton « non, les années 60 étaient mieux ». Il y a une puissance réelle dans ce film qui en fait une énorme réussite quand on compare au projet.


Pour autant tout n'est pas à sauver. D'une part, ça reste une blague … Bon gré mal gré, c'est une blague sans un réel propos sérieux derrière. La blague est parfaite, extrêmement bien faite, on rigole de bon cœur mais ça manque de profondeur.
Deuxièmement, certaines personnes ne comprennent pas le projet, je pense notamment à Clooney, loin d'être présent dans le film face à une Uma Thurman s'en donnant à cœur joie dans la médiocrité, un Chris O'Donnell assumant clairement le côté pervers sexuel et un Schwarzeneger prenant avec humour l'idée saugrenue de lui faire incarner ce type de personnage.


Le film est une comédie totale sur l'univers de Batman. Ne le prenez pas comme un film raté mais comme un film très réussie dans son domaine. Chaque rire provoqué par ce film a montré à quel point Schumacher était bon pour donner à cet ensemble improbable une cohérence folle.


D'ailleurs, pour finir sur une note polémique : ce Batman et Robin qui parvient quasi-parfaitement à être ce qu'il veut (une longue comédie kitch et bariolé sur Batman dans les années 90) ne réussit-il pas mieux son propos que The Dark Knight, film se voulant un Batman réaliste mais où Heath Ledger pète tellement l'écran et le Joker est si présent que Batman finit en personnage totalement passif et presque oubliable une bonne partie du film ?
Ironique de voir qu'on invente plus aisément des défauts à un projet réussi mais juste trop différent de nos attentes, qu'on ne remarque les quelques failles de films également réussis mais dont le projet était lui totalement en osmose avec nous.

mavhoc
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le 2 janv. 2019

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