Critique basée sur la version Director's Cut de 181 minutes.
Et d'emblée, parlons de l'éléphant dans la pièce. L'existence de cette version "complète" témoigne elle-même entre autres choses d'un fait des plus inhabituels dans le genre aujourd'hui très en vogue des films de super héros. C'est l'intention de proposer avant tout un film avant de vouloir juste crafter un "film de super héros" qui défoncerait des records de box-office quoiqu'il arrive car fabriqué à base d'une formule de "bonne arnaque" qui fait preuve de beaucoup de succès avec ces films depuis bientôt une décennie.
A noter que j'aimais déjà pas mal la version cinéma mais que cette version supprime les quelques griefs que je pouvais encore avoir grâce à non seulement des scènes supplémentaires de développement mais également un nouveau montage améliorant grandement la narration.
Mais cela va sans dire que le film n'est évidemment pas exempt du moindre défaut, mais je vais choisir pour cet avis de me concentrer sur le positif, considérant que trop de mal a déjà été dit et selon moi souvent à tord.
Quand réflexion se marie à l'action
Et voilà ce qui provoque le premier point de dissonance entre le film et la majeure partie du public biberonné aux 10 dernières années des films de la MCU. La formule Batman Vs. Superman est différente, très différente.
Certainement plus cinématographique, en fait.
Le film prend son temps, s'intéresse aux personnages aussi bien dans leur privé que sous leur costume. Il étale sa mythologie par des symboles, des métaphores et les enjeux sont aussi multiples que prépondérantes. Et il n'y a pas qu'une ligne rouge à suivre et c'est là que je pense qu'on perd beaucoup de spectateurs car l'action et les explosions ne sont pas les seuls outils de Snyder, il ne se repose même pas sur les figures légendaires que sont ses deux stars Batman et Superman car il dépeint une image très différente d'eux...
Ce qui va évidemment provoquer un inconfort de plus chez les personnes oubliant qu'un film doit se suffire à lui-même tant qu'il est cohérent et fidèle à son propos. Les fans de comics plaçant de ridicules comparaisons avec The Dark Knight Returns de Miller, le spectateur lambda choqué de retrouver ici un Batman aigri et violent, un Superman pas toujours boyscout trahissant la nostalgie de certains...
Le film se montre agressivement subversif pour toute personne pensant avoir le monopole de ces personnages mythiques qui par définition ne peuvent être rangé dans un seul tiroir sans compter le fait qu'ils seront en plus de tout bientôt centenaires !
La mise en scène et le mixage son au service d'un grandiose biblique
De la représentation visuelle de Superman jusqu'à la vision d'Alexander Luthor du fameux tableau Paradise Lost.
"Do you know the oldest lie in America, Senator? Devils don’t come
from hell beneath us. They come from the sky."
Snyder filme les interventions de Superman comme un artiste peindrait une intervention divine et la musique stridente accompagnant les folles idéologies de Luthor sont parfois à glacer le sang malgré le très pauvre choix de casting que constitue Jesse Eisenberg dans ce rôle.
Finalement, qui c'est qui gagne entre Bats et Sups ?
Personne. Oui, personne car l'idée même d'un tel affrontement est ridicule au sein de ce récit, toute personne ayant un minimum portée attention au film aurait pu s'en rendre compte avant même un quelconque ersatz de combat entre les deux hommes.
Car ce sont avant tout des hommes et c'est ça que Batman V Superman essaye de raconter, comment une puissance si brute que celle d'un Kryptonien sur Terre peut faire peur à une population soumise, comment un Justicier Masqué pensant avoir déjà tout vu et vécu va aller au-delà de ses griefs pour découvrir qu'il y'a plus en Superman qu'une bombe à retardement. Comment ces deux personnages que tout opposent vont réussir à s'unir contre une menace commune ?
Ce film pose de vraies questions et des enjeux et en ce sens, il est bien plus intéressant qu'un énième blockbuster sans intérêt de revisionnage. Prêtez lui un oeil attentif et soyez récompensé.
Des choix discutables, pour en finir
Comme points noirs, je ne peux pas m'empêcher de citer le colossal erreur de casting commis par Snyder en choisissant un Jesse Eisenberg tellement en surjeu qu'il va jusqu'à non seulement amoindrir l'impact de son personnage mais carrément le discréditer aux yeux des moins patients. Le résultat aurait été fantastique avec un autre plus subtil dans son jeu.
Malgré son côté hautement subversif quant aux codes des films du genre, nous ne sommes toujours pas à l'abri de la grosse séquence d'action à la fin, une chose qui m'est certes de plus en plus insupportable mais qui au moins est suffisamment bien fichu et ambitieux pour maintenir l'attention.
Et comment ne pas parler du DCU en général qui constitue le majeur point faible de ce film qui lors de certains passages se voit affublé du rôle du teaseur de projets futurs. Ça enlève un peu le côté stand alone du film qui m'est très cher tant je l'adore et que je déteste le reste de ce qui a pu suivre comme les catastrophiques Suicide Squad et Justice League.