Batman V Superman : Dawn of Justice, un titre plein de promesses et surtout le retour à l’écran de deux héros de comics très appréciés, dont les séries animées ne manquent pas.
En revanche, leur présence se fait rare au cinéma. Depuis 2000, pour Superman, nous n’avons eu que deux films, Superman Returns (2006) et Man of Steel (2013). Pour Batman, seul la trilogie de Nolan, de 2005 à 2012, permet de ne pas le faire disparaître du paysage cinématographique.


Ce film est réalisé par Zack Snyder, qui a également mit en scène Man of Steel. Dès l’ouverture du film, nous avons une puissance visuelle, qui nous fait sentir l’intensité de ce dernier. Du moins, une vraie personnalité se dégage de ce film. A tel point, que nous pourrions croire qu’il a été bien trop timide sur sa précédente adaptation de Superman.
Nous sommes presque toujours au plus près de l’action alors que la caméra se détache des formes classiques hollywoodiennes. D’ordinaire, nous subissons les montages cut des films d’action, alors qu’ici, nous sommes dans quelques chose de radicalement différent, offrant une vraie personnalité dans les scènes d’action. Nous avons, par exemple, quelques combats avec une caméra plus distante et dans des mouvements qui font succéder plusieurs actions dans un même cadre. C’est le cas dans l’un des rêves de Bruce Wayne ou dans quelques combats de Batman, notamment dans l’entrepôt. Il utilise aussi beaucoup de ralentis et de gros plans très bien employés, semblant dilater le temps, comme s’il marquait des pauses dans le film au moment des scènes d’actions.
Je parle de gros plans, mais il y en a deux types. Nous avons un grand nombre de gros plans sur Batman, alors que Superman est souvent filmé avec plus de distance. Mais nous avons aussi énormément d’inserts sur des détails, que ce soit une douille, un batarang, un regard, etc. La mise en scène est d’une grande finesse, ce qui vient riposter avec une narration bien moins riche en subtilité.
Néanmoins, c’est amusant de remarquer comme la mise en scène nous positionne proche de Batman. Le film commence sur lui, sur la mort de ses parents. Séquence qui, certes est filmée de manière remarquable, mais est absolument inutile narrativement. Je suppose que nous connaissons tous l’histoire de Bruce Wayne et sa transformation en Batman. Cela pour des raisons évidentes ; premièrement, il s’agit d’un des héros de comics les plus connus. Sans compter, que Tim Burton et Christopher Nolan l’ont fait avant lui. Donc, à part pour nous dire clairement que le film est centré sur Batman, autant sentimentalement que narrativement, cette ouverture n’apporte rien de vital.
En ce qui concerne le reste du film, nous le suivons bien plus que Superman, les plans sont plus serrés sur lui. Globalement, nous pouvons presque penser que c’est avant tout un film Batman. D’ailleurs le logo du film peut prouver cette hypothèse, puisque nous voyons le logo de Superman incrusté dans celui de Batman.
En effet, Superman est un intrus dans un monde qui appartient à Batman et la mise en scène le traite parfaitement. Hormis ce détail à l’ouverture du film, toute la puissance stylistique de Zack Snyder se ressent sur le traitement de Batman. Ainsi, Superman est inférieur en temps sur Batman, mais il existe d’autant plus dans le film qu’on ne le voit pas, car il est mentionné sans cesse.


Hélas, la narration empêche le film d’exceller. Outre un goût très amer de déjà-vu, le vrai problème est qu’Hollywood ne sait toujours pas concevoir un scénario de film de super-héros. Les scénaristes se contentent de traîner avec eux de vieux clichés et se disent sans doute que pour un super-héros il faut un super-scénario. Or cela ne fonctionne absolument pas. Le film voyage de rebondissement en rebondissement et les seuls moments de pause sont des romances pathétiques. A l’inverse de The Dark Knight, qui possède lui, un scénario complexe et pourtant il est un chef d’œuvre.
Ici, ils ont voulu faire un scénario ultra complexe, partant dans tous les sens, avec deux apocalypses, une chasse à l’homme et Lex Luthor au milieu de tout cela. Il faudrait réellement que les scénaristes stoppent cette lubie de faire des histoires compliquées alors qu’ils sont incapables de faire tenir cela de bout en bout et de raconter quelque chose de simple. Les super-héros sont affreusement victimes de ces scénarios complexes prenant en compte une multitude de paramètres superflus. En l’occurrence, ce film est marqué par trop d’ellipses, trop de choses qui ne sont qu’à peine ébauchées. Certes, le résultat est cohérent et fonctionne, mais cela est trop compliqué et la moitié des choses ne sont traitées qu’en surface. Sur un film de 2h30, se dire qu’il y a des éléments qui ne sont qu’évoqués, puis éreintés par les suivants, laisse présager du mélange grotesque qu’a fait les scénaristes. Le film est gravement touché par ces défauts scénaristiques, il est rempli de fondu au noir, marquant des ellipses plus ou moins longues et l’étendu temporelle du film ne fait qu’affaiblir sa portée, en plus de nous embrouiller. Il y a trop de coupures, alors qu’on demande au cinéma d’être fluide et homogène afin de faire oublier au spectateur qu’il assiste à un film. Or, je n’ai jamais oublié que ce que j’avais sous les yeux n’était qu’un écran.
C’est tout de même affligeant de constater qu’ils dépensent 250 millions de dollars pour une histoire tellement alambiquée, que le spectateur n’arrive même pas à y pénétrer pleinement, alors que c’est justement l’objectif du film. Ainsi, la narration est une grosse déception par rapport au travail remarquable de Snyder pour rendre son film exceptionnel.
Néanmoins, ce film est loin d’être mauvais. Je suis simplement exaspéré de la médiocrité des scénaristes et de leur travail qui ne vaut largement pas le budget alloué au film.


En se penchant davantage sur la mise en scène, nous pouvons presque penser que Snyder abandonne le scénario pour nous raconter une autre histoire, à croire qu’il est peut-être tout aussi désespéré que nous.
Comme je l’ai démontré, nous suivons notamment le personnage de Batman, qui constate de lui même l’arrivé de Superman sur Terre et le cataclysme que cela amène. La suite du film tourne globalement autour de la question de la présence de Superman. Certains le voient comme un dieu, d’autres comme un démon, un extraterrestre qui n’a pas sa place ici. Ses pouvoirs presque illimités génèrent une peur et la question de sa dangerosité est au premier plan. Outre le fait que cette thématique est plus que surfaite et surexploitée, elle était déjà présente dans Man of Steel et si nous nous arrêtons là, Zack Snyder n’a fait que tourner en rond et proposer un remake de ce précédent. Bien heureusement pour nous, ce n’est pas le cas. Je crois que justement, il critique cette structure plus que convenue.
Cette thématique de la légitimité de Superman est présente même chez Bruce Wayne, qui le voit comme une menace et s’en méfiera particulièrement. Finalement, Batman est le seul à avoir un regard extérieur au film, puisqu’il prend une position de recul face à Superman. La mise en scène, en étant très proche de lui, semble l’isoler du film. Ainsi, nous nous retrouvons avec, d’un côté Batman, et de l’autre, les Kryptoniens, que la mise en scène garde éloignés. Nous pouvons noter des plans sur le vaisseau extraterrestre, au début du film, qui sont uniquement des plans d’ensemble, comme si nous voulions conserver une distance (critique) avec cette présence extraterrestre.
Batman, qui représente l’angoisse humaine face aux extraterrestres, est très rarement dans le même plan que Superman, même à la fin quand ils sont alliés. Cela se ressent dans les rêves de Batman, qui prouvent bien sa frayeur, soit la frayeur humaine face à un être dont personne ne connaît ses limites. Par conséquent, nous nous incarnons parfaitement dans la figure de Batman. Même si je trouve ces scènes de rêve très judicieuses ; dans leur application, elles sont très maladroites. Cela donne un côté théâtral, qui fait tache et marque une impasse dans la fluidité du film.
La fin du film est particulièrement représentative de l’existence d’un double film. Nous avons de nombreux plans larges des combats entre les Kryptoniens. Ceci exploitant une réelle prise de distance avec eux, jusqu’à même un surcadrage, dans les décombres d’un bâtiment, venant créer un second écran où se passe l’action, la sur-action, car il y a tellement d’effets spéciaux, que cela en devient parodique. Justement, c’est exactement cela que Snyder pointe. Les combats de Superman, volontairement isolés de Batman, sont des parodies de film de super-héros. Nous avons des effets spéciaux et de l’action à l’excès, les plans sont volontairement des archétypes au plus haut possible quand il s’agit de filmer Superman, soit de face, soit en contre-plongée. Je pense qu’Henry Cavill, qui joue Superman, fait exprès d’avoir un jeu d’acteur absolument inexpressif, comme on le croise souvent avec les super-héros au cinéma. Les acteurs ne savent pas jouer un super-héros, alors ils se contentent de jouer ce qu’ils croient être, soit des êtres supérieurs, des dieux. Là où Batman est avant tout un homme, comme Iron Man, ce qui fait que le jeu d’acteur de Ben Affleck ici, en tant que Batman, est de très bonne qualité, comme Christian Bale dans The Dark Knight, ou Robert Downey Jr. qui joue Iron Man avec brio.
Mais à partir du moment où les acteurs doivent incarner un surhomme, une personne avec un pouvoir presque infini, personne ne sait comment l’interpréter et cela est si visible dans Superman, que je suppose que Snyder l’avait demandé à Cavill. Le reste du casting ayant un jeu d’acteur très correct, cela me paraît saugrenu de supposer que Cavill joue de manière médiocre au milieu de tout cela. Je note aussi le jeu d’acteur de Jesse Eisenberg, qui interprète Lex Luthor, mais qui jouait aussi Mark Zuckerberg dans The Social Network. Son rôle et son jeu se rapproche très fortement du personnage qu’il a déjà joué, mais, malgré cette facilité, son jeu est merveilleux et son personnage apporte beaucoup au film.


Donc je pense sincèrement que Snyder, exaspéré comme nous par la facilité des scénaristes, a utilisé son pouvoir de metteur en scène pour le faire ressortir à travers la figure de Superman et des Kryptioniens de manière générale. Le film serait donc scindé en deux, entre cette parodie, qui créer un film dans le film, et la quête de justice de Batman. D’ailleurs, la mise en scène, bien moins rocambolesque sur ce second héros, montre un autre combat, un combat plus sérieux. Ce combat, le film le fait explicitement ressortir, il se déroule entre Batman et Lex Luthor. Batman cherche à investir LexCorp à plusieurs reprises et la fin du film prouve bien que c’est contre lui qu’il en veut.
Pour en revenir à toutes ces coupures de montage, notamment les fondues au noir, qui craquellent sa fluidité et font exagérément ressortir la défaillance de ses films de super-héros, qui créent une fausse homogénéité avec des éléments incohérents.


Pour conclure, en terme de narration, je vois d’énormes faiblesses, qui auraient pu être contrées par une histoire bien plus sobre. Cependant, la réalisation de Snyder est d’un génie absolu et rattrape ses points faibles. Il nous donne l’impression qu’il renie totalement le scénario pour raconter l’histoire qu’il a envie de raconter.


Cependant, comme prévu, ce nouveau film est très loin d’être à la hauteur de The Dark Knight, qui reste le meilleur film Batman qu’Hollywood ait produit.


A bientôt dans une salle obscure !

ConflitCritique
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le 1 mai 2016

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