Il y a tout ce que l’on attendait, tout ce qu’on redoutait aussi dans The United States vs. Billie Holiday, soit un biopic certes informatif et campé par une actrice remarquable, Andra Day, mais qui jamais ne surprend ni ne compose une forme originale apte à saisir voire à interpréter le combat de la chanteuse dans un contexte historique marqué par le racisme d’État. Nous sommes loin de l’ivresse cauchemardesque du Bird (1988) de Clint Eastwood ou de la pulvérisation spatiale et temporelle du Lenny (1974) de Bob Fosse, lui aussi axé sur une figure contestatrice et subversive. Lee Daniels s’applique, compose de beaux plans qui se suivent et se ressemblent, trouve une certaine justesse dans sa peinture d’une censure à l’égard de Billie Holiday qui émane aussi bien des Blancs que des Noirs.
Pour autant, sa consécration de la chanson « Strange Fruit » paraît curieusement anachronique, comme s’il l’éclairait à la lumière de sa notoriété contemporaine sans jamais l’interroger du point de vue de sa réception ; il va de soi que cette œuvre est majeure, elle est d’ailleurs répétée à tout bout de champ, scandée, psalmodiée, elle sommeille en chacun. Pourtant, le réalisateur ne confère jamais à son récit des allures de possession ou d’emprise, qui auraient pu incarner ledit pouvoir de la chanson ; au contraire, sa caméra aplatit tout en ce qu’elle place l’ensemble de ses scènes sur un même plan d’égalité. « Strange Fruit » finit par s’intégrer à un décorum éclatant et hypocrite, sans que nous ne la ressentions vibrer en nous.
Un compte rendu appliqué mais scolaire de la chanteuse qui aurait mérité une forme plus âpres, sinueuse, tortueuse.