250 ans après son indépendance, les problème sociaux qui gangrènent l'Amérique sont toujours là. Depuis une petite décennie, le pays commence à affronter ses fantômes puisque les œuvres dénonciatrices et/ou historiques se multiplient. Pourtant, peu d'entre elles n'ont véritablement d'impact, qui plus est hors des frontières des États-Unis et ce n'est pas l'académie des Oscars qui changera quelque chose. Tantôt implacable mais vide (12 Years a Slave), dénonciateur mais tiède (Selma), seul Free State of Jones a pris la route de la leçon d'Histoire au risque de pencher vers l'ennui. La cicatrice est encore présente au quotidien et vu d'ici, il est bien difficile de juger l'impact réel de telles œuvres sur la culture et l'identité nationale américaine.


Car une fois encore, BlacKkKlansman ne pourra pas faire l’unanimité ni s'imposer comme un film majeur dans l'évolution des mentalités. Le bouillant Spike Lee rend un véritable brulot contre l'administration Trump, on sent son déchainement lorsque le KKK trinque notamment aux cris d'un "America First" répété à plusieurs reprises. Mais c'est aussi une remise en question de la lutte des droits sociaux dont les idéaux semblent toujours loin de la réalité. BlacKkKlansam se passe dans le passé mais il est évident que ses problématiques et les questions qu'ils traitent sont d'abord récentes.


Féru d'Histoire, Spike Lee délivre ici une leçon sur les courants de pensées et d'émancipations. Idem du côté du Ku Klux Klan. L'identité afro-américaine se confronte à l'Amérique puritaine et les moments les plus savoureux du film sont sans contexte ses monologues, ses diatribes et ses quelques pointes de sarcasmes qui nous apprennent beaucoup de choses. Traiter un tel sujet avec une certaine légèreté est un sacré pari. Pourtant, c'est bien le problème du film dont la forme est phagocytée par le fond. Le scénario se déroule mollement et reste finalement bateau (sans parler de ce climax final des plus paresseux) malgré la qualité du jeu d'acteurs et l'absence notable d'un manichéisme facile dans les personnages.


Comme si le message de BlacKkKlansman n'était pas clair, le film se conclu par des images de discours de Trump et des derniers affrontements entre militants aux États-Unis. La jauge de pathos explose devant l'horrible vision de la voiture qui fonce dans une foule et fait une victime. Était-ce nécessaire ? Même chose pour la malaisante dénonciation (juste mais gratuite) de Birth of a Nation. Pour éviter de reproduire le passé, la meilleure chose est de le comprendre et de le faire comprendre, aussi infâme soit-il. L’internaute Velvetman le dit très bien : "Spike Lee est enragé politiquement mais inoffensif cinématographiquement."

ZéroZéroCed
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le 27 août 2018

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