Ou le ressenti du schizophrène.
Pour tout dire, on m'aurait dit ce qu'il en retournait que je n'y serais point allé.
Les plans brutaux accompagnés d'une stridence de violon histoire de faire bondir tout le monde, les plans sombres d'où sort tout à coup une nana ensanglantée, j'ai jamais aimé, rapport à quelque traumatisme dont je vous épargnerai la cure psychanalytique.
Heureusement, il se trouve que je pensais aller voir un film de danse (histoire de convaincre ma compagne) et de musique classique (histoire de me convaincre), avec Nathalie Portman (histoire de me reconvaincre) et Vincent Cassel (pour en finir). Je n'avais lu aucune critique, ne connaissais pas le film le matin même avant d'y aller, et avais juste vu de loin le mot "schizo" dans une critique.
Heureusement donc, je ne savais rien de l'enjeu réel du film. Heureusement donc, j'y suis allé. Et heureusement répétai-je, puisque ce film, bien qu'aillant réveillé mes bonnes vieilles angoisses (lire ci-dessus), est extraordinaire pour une raison qui ne peut qu'enflammer mon âme d'étudiant psychiatre : il retranscrit à merveille le monde tellement angoissant dans lequel peut vivre un schizophrène.
Alors voilà, ça fait un peu péteux de dire ça, mais il se trouve qu'on discutait de ce sujet justement la semaine avant avec des amis, et que nous ne trouvions aucun film qui ait réussi à vraiment montrer ce que pouvait ressentir un schizophrène lors des phases délirantes. Généralement, on tombe dans le psychédélique coloré, ou dans l'hallucination un peu zarb. Et bien là, le côté glauque m'a rappelé certains entretiens que j'ai pu avoir avec des patients, au point que je me demande si un consultant psychiatre n'était pas sur le tournage (c'est un peu la mode des consultants...).
Alors, hormis ce côté psy, il faut bien sûr rajouter la performance physique et artistique de Nathalie Portman, dérengeante physiquement (quasi anorexique) et psychologiquement ; la musique de Mansell, toujours particulière, et ici si bien calquée sur celle de Tchaikovsky ; les personnages secondaires, de la mère à la concurrente sexy ; les décors et costumes, alternant tout du long la dualité noire/blanc (cygne noir / cygne blanc), et j'en aurai bien d'autres à raconter.
Seul bémol à mon sens, qui lui vaut la perte d'une étoile : le jeu sur le suspens horrifique et la stridance du violon à chaque volte face, qui m'agace et, je le reconnais, m'effraie, mais sans éveiller le côté jouissance de la peur...
Voilà, un autre film d'Aranofsky à rajouter au panthéon ? en tout cas, à aller voir!