Cher Darren,



Tu me permets de t'appeler Darren? Ton nom est un peu chiant à écrire et je ne me souviens jamais ou il faut mettre un W ou un Y. Je t'écris cette lettre car j'ai vu Black Swan, ton dernier film et j'aimerai te raconter ce que j'en pense. Installe toi confortablement dans ton fauteuil, prend un Cognac et délecte toi de mes mots.

Commençons par le début veux-tu. Je suis allé au cinéma Mercredi matin (c'est moins cher) pour enfin voir ce que tout le monde appelle un "chef-d'œuvre". Ce monde qui va du critique amateur au représentant des Oscars. J'en suis ressorti tout sourire, j'avais bien ri. Une très bonne comédie. Tout aller bien jusqu'au moment ou un jeune homme m'aborde l'air visiblement embêté. Il m'informe que Black Swan n'est pas du tout une comédie mais, d'après IMDB et Allociné, un Drame Thriller avec du mystère. Ce fut un choc Darren. Vraiment. Je sautais donc dans un Velov et je pédalais jusqu'à chez moi pour en avoir le cœur net. Ce fut un plus grand choc. Vraiment vraiment. Il y avait des mots comme "glaçant", "terrifiant", "malsain" ou encore "Natalie Portman est bonne" dans les critiques. Des gens qui s'étaient sentis mal à l'aise et même qui se cachaient les yeux parce que ca faisait peur. Ca m'emmerde un peu tous ces gens qui ont tort. C'est triste. Alors je me dois de rectifier la vérité:



Pourquoi ton film c'est de la merde (ma maman me fait dire qu'il faut plutôt employer: Je n'aime pas. Merci maman).

Je vais me donner l'autorisation de parler aussi aux gens qui me lisent parce que ca me fait un peu chier de ne parler qu'à toi.



Je vais préciser quelque chose tout de suite pour pas qu'on me le ressorte en réponse: Mon avis extrêmement négatif ce n'est pas pour faire genre "je ne pense pas comme tout le monde". Je défends assez ardemment Avatar, qui a été vu et adoré de millions de gens, pour que cette remarque soit nulle et non avenue.



Black Swan raconte donc la chute d'une ballerine dans la folie alors qu'elle se prépare à danser "Le lac des cygnes". On y retrouve certaines thématiques de son précédent film, The Wretler. Le travail du corps jusqu'à ses derniers retranchements, la volonté de briller. Des personnes principaux abîmés qui font donc de leur corps leur obsession jusque dans la mort. Je ne vais pas m'attarder sur la redite avec ce film. Il est désormais connu que les artistes font des variations sur le même thème. Ce n'est pas important. Par contre ce qui l'est, c'est de rater sa redite. On aura compris, en regardant Black Swan, que Nina est un personnage fragile. Trop justement. A force de souligner sa fragilité constante elle en devient transparente, sans importance. Ce que tu avais réussi à faire, Darren, avec The Wretler, c'était de faire entrechoquer la vraie fragilité de Mickey Rourke dans sa vie quotidienne et sa grandiloquence quand il est sur le ring. Sa descente mentale en sortant des combat n'en était que plus visible. On sentait le désespoir et le pathétique vu qu'il était en antagonisme avec ce qu'il semblait être sur le ring. La fragilité permanente ne donne aucun relief finalement étant donné que c'est son seul trait.

De plus, autant ton précédent film arrivait à être humble, celui-là est pompeux (on y reviendra plus tard).



La subtilité est quelque chose de difficile dans l'art et Black Swan montre totalement ton ratage dans ce domaine. Je ne sais pas si ca vient de toi ou du renouveau Hollywoodien qui veut faire des films intelligents mais pas trop quand même. Ca m'a fait beaucoup pensé à Inception d'une certaine façon. Dans le tien les symboliques et les thématiques arrivent avec de gros sabots, dans l'autre, la narration se perd et oblige le réalisateur à utiliser la vieille combine du "je t'explique perpétuellement ce que les personnes voient".

Tu essayes de représenter la folie, le double. Très bien, mais c'est fait avec balourdise. Difficile de passer après un Satoshi Kon ou un Brian De Palma. Tu nous l'aura bien enfoncer dans la tête cette dualité dis donc. Mais tu aurais du aller encore plus loin. Quand Nina parle elle devrait, en plus de porter des vêtements blancs, être en pleine tempête de neige avec en fond des chanteurs à la croix de bois. Et quand Lily parle, se trouver couverte de suie dans un tunnel la nuit tombée pour bien nous montrer que elle, c'est le NOIR. Mec, ton film s'appelle BLACK SWAN. Toute trace de subtilité s'envole à chaque effet. Les méchants doubles du miroir (t'as trop vu "Mirrors" de Alexandre Aja?), les images du cygnes dans certains plans au cas ou on aurait oublié de quoi ca parle, etc. etc.

C'est bien dommage car il y a de bonnes idées sur le papier. Je prends la scène ou elle va demander à Vincent Cassel de refaire son audition. Mais ca ne marche pas. On comprends, tout le long du film qu'elle est une petite fille. Son maquillage outrancier comme le ferait une gamine pour faire comme maman. Sans compter le jeu à coté de la plaque de Cassel qu'on dirait sorti d'une pièce de Feydeau (She bite me! SHE-BITE-ME!). Et plus le film avance, plus on a l'impression que tu abandonnes. Scène géniale de drôlerie quand ses jambes se brisent. Ah mais ouais, elle est obsédée par son rôle, elle devient LE CYGNE. Je ne pensais pas qu'on pouvait faire pire de démonstration. Et puis en fait si, à la fin, ou elle se transforme en cygne.

En parlant de dualité avec Lilly, j'ai lu ici et là, que Lily, ca serait un diminutif pour "Lilith", la 1ère femme d'Adam et insoumise à Dieu (j'ai vu ça bien 4-5 fois). Je n'ai pas vu d'insoumission. De l'extravagance peut-être, mais de l'insoumission non (je vois pas comment on peut être insoumis et arriver à ce stade là dans une branche aussi exigeante que la danse classique). Ou alors l'insoumission c'est arriver en retard et fermer bruyamment une porte (et j'en suis sûr qu'elle écoute du Death Métal dans son Ipod!). Les Tunisiens n'ont rien compris! Au lieu de montrer leur insoumission en faisant la révolution ils auraient du claque des portes! Plein de portes! Des tonnes de portes!



La direction d'acteur pèche un peu et je suis étonné que Natalie Portman ait eu l'Oscar. Alors ok, elle s'est entrainé 1an à faire de la danse classique, mais qu'elle est le rapport. Une doublure pro aurait fait la même chose. Je comprends que cela soit impressionnant mais ca ne fait pas un jeu, car le sien se résume à faire trembler sa lèvre inférieure en chuchotant (entre les entrainements elle regardait des clips de Carla Bruni?). A ce moment là, donnons un oscar à Keanu Reeves pour Matrix 2 et 3 car il a passé 18 mois, 8h par jour, à faire du Kung-fu. Je peux admirer cette technique typiquement Américaine, très Actor's Studio, de se métamorphoser, mais ca ne remplace pas un jeu au final. Christian Bale a perdu 30 kilos pour The Mechanist et finalement on ne retient que ça du film quand on en parle. Le jeu de Bale n'est jamais mit en avant, tout simplement parce qu'il est moyen. On est juste hypnotisé par la performance physique.



Quand à la réalisation, et bien tu aimes faire tourner la caméra autour des acteurs qui dansent, histoire de faire croire à une fluidité, comme la fluidité des corps. Un peu facile. Sans compter que tu t'auto-copie avec des plans tiré de The Wretler. Ne deviens pas comme Hans Zimmer ou Danny Elfman qui font ça depuis 15 ans avec leur musique. En parlant de musique, c'est pompeux. On a compris que c'est "Le lac des cygnes", pas la peine de remettre la musique toutes les deux minutes, on sait que tu veux faire un parallèle avec l'histoire de Nina et celle du ballet. Quand à la B.O, pareil, histoire de bien montrer que c'est un monde très musique classique. Dis-moi, si tu fais un film de SF, tu vas engager Jean-Michel Jarre pour faire de la musique avec des lasers pour bien qu'on comprenne qu'on est dans le FUTUR?



Je ne dirai rien sur les scènes de danse, je n'y connais rien, comme je pense 90% des gens qui ont vu le film. Le film répond très bien à l'imagerie collective de cette discipline: Des pointes, des tours sur soi-même la jambe pliée et des sauts de cabris. Je serai incapable de dire si ca correspond à une réalité, mais j'ai bien aimé.



Finalement on se retrouve avec un film balourd avec des thématiques intéressantes mais sans âmes au vu de la démonstration trop explicite. C'est dommage.





Ps: Parait que ton prochain film est avec Gary Oldman ou il joue un joueur de Curling. Il se serait entrainé 17 ans avec l'équipe du Canada (parait même qu'il sort avec le capitaine maintenant) pour parfaire son rôle. Ca vaudra bien non pas un oscar mais un méta-oscar!





Ps2: Sérieux, on fait des films en 3D maintenant, t'aurai pas pu le faire comme ça juste pour les scènes de masturbation?





Bien à toi,



Karibou

XOXO
Kariboubou
2
Écrit par

Créée

le 5 mars 2011

Critique lue 1.1K fois

20 j'aime

6 commentaires

Kariboubou

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

20
6

D'autres avis sur Black Swan

Black Swan
Kalian
2

Je n'irai pas refaire un tour du côté de chez Swan

Je pourrais faire mon hypocrite et laisser ouverte la possibilité que je sois passé à côté du film. Mais d'une part cela ne correspondrait pas à mon impression, et d'autre part il m'a tellement...

le 5 févr. 2011

305 j'aime

247

Black Swan
Aurea
8

De chair et de sang

Peu importe que le film regorge d'excès en tous genres, qu'il mélange conte, thriller fantastique et drame psychologique : c'est un grand film et la vision inspirée du monde ô combien noir de la...

le 25 juil. 2011

271 j'aime

111

Black Swan
Kalès
3

Un peu facile.

Portman qui fait la gueule tout le film : check. Esthétique immonde n'épargnant rien au spectateur en mode "la réalité, c'est moche" : check. Avalanche de bruitages répugnants et exagérés du style...

le 11 févr. 2011

160 j'aime

54

Du même critique

Le Petit Prince
Kariboubou
2

Critique de Le Petit Prince par Kariboubou

Le petit prince c'est le cauchemar de tous les parents du monde. Ca se barre sans prévenir et ca parle à des inconnus. "Arrête avec tes trucs de payday!" crie le papa du Petit Prince quand il parle...

le 11 oct. 2010

33 j'aime

20

Brick
Kariboubou
9

Clair-Obscur

Brick, plus qu'un pastiche du film Noir, c'est l'adaptation de codes clairs et limpides dans un contexte complètement différent que Rian Johnson, à travers des archétypes bien précis, arrive à...

le 21 oct. 2010

25 j'aime

1

Big Fish
Kariboubou
2

Tim-lirpinpon sur le chihuahua

Je suis toujours curieux de voir des fans de Burton pré-Planète Des Singes appréciant son travail à partir de Big Fish. Certes le coté onirico-gothique à la sauce choeurs de "OOOohhAAAhhh"...

le 5 oct. 2010

25 j'aime

7