Une suite plus de 30 ans après où le temps du récit correspond au temps réel, c'est déjà un bel hommage à la continuité du cinéma. Et quand le film reprend, la magie opère à nouveau. On se demande ce qu'est devenu Deckard, et surtout ce qu'il en est de cette esthétique si particulière. Les suites sont souvent décevantes parce qu'on en attend trop. Comment faire preuve d'originalité sans trahir le fond ni la forme? Pour moi ce pari est pleinement réussi.
On connait le talent de Villeneuve. Il nous propose ici un saut dans le temps avec un mélange subtil de références au premier film (la pluie, les longs plans séquence, la foule cosmopolite, les gigantesques immeubles abandonnés, les façades pleines de publicités, les animaux virtuels ou réels, les vaisseaux qui rasent les murs et se posent en faisant demi tour ...) pour qu'on se sente rapidement en terrain connu (une archive sonore, un plan de Sean Young jeune pour nous rappeler que le cinéma est aussi un art que l'on doit protéger), et de choix personnels (des étendues désertiques, une gigantesque décharge à ciel ouvert qui nous rappellent que les angoisses du spectateur ont changé depuis 30 ans, des images d'une beauté incroyable). Il s'agit donc de faire du neuf avec de l'ancien et l'immersion est totale.
Certes, le film n'est pas parfait. Le scénario repose sur pas grand chose, la musique de Hans Zimmer est un peu pénible parfois (certains diront souvent), le placement de produits Sony est envahissant, mais le reste est une merveille, à condition d'adhérer à cette esthétique particulière et d'aimer ces interrogations sur ce qui fait notre humanité.


Moi aussi je suis fan du premier et j'y allais plutôt avec appréhension. Mais cette suite a répondu à mes attentes, le temps a passé sans ennui.
Il y a bien une petite trahison du propos initial puisque les réplicants n'ont plus une durée de vie limitée, ce qui était le motif de leur révolte dans le premier film, mais elle me semble compensée par une autre interrogation tout aussi pertinente sur notre propre humanité et surtout nos souvenirs ...
J'ai aussi aimé ces multiples références à Kafka(K), au Stalker de Tarkovski (l'usine désaffectée), au temps qui passe (Edward James Olmos , Harrison Ford) ou pas (voir Sean Young au même âge intégrée aussi bien à certaines scènes est un prodige d'effets spéciaux), à Ridley Scott lui-même (hommage subtil aux plans de ville, une bande son archivée, un plan rapide, ce chien immobile dans l'ombre ...)
La durée fera sûrement débat, mais elle me semble nécessaire pour s'immerger dans cet univers futuriste angoissant, parce qu'il pourrait bien ressembler au nôtre, beaucoup plus que le premier film.
Et puis il y a cette histoire d'amour entre K et Joi sublimée par une scène absolument magistrale de sensualité et de pudeur.
Alors merci Denis Villeneuve pour ce beau moment de cinéma. Mais surtout, ne faites pas de trilogie. La suite annoncée


par les nouveaux nombreux réplicants qui sont prêts à se révolter par milliers


imposerait un blockbuster frénétique qui serait pour le coup une véritable trahison. Restons en là ... ou alors attendons encore 30 ans.

Serval1
9
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le 24 oct. 2017

Critique lue 254 fois

2 j'aime

Serval1

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