J’avoue que de manière générale, les drames intimistes qui racontent les soucis de tous les jours des gens, ce n’est pas ma tasse de thé. Il suffit de regarder autour de soi pour voir des problèmes partout et du coup, quand je regarde un film, je cherche autre chose. Mais j’aime bien quand un film part d’un drame pour le mélanger à un autre genre, que ce soit l’horreur, la comédie, ou le polar. A Blue Bird in my Heart, également appelé Tu ne Tueras Point ou tout simplement Bluebird, fait ce pari, à savoir mélanger le drame intimiste et le thriller. Il s‘agit ici d’un premier film, et pour un premier film, force est de constater que, même si tout n’est pas parfait, le réalisateur fait preuve d’une bien belle maitrise de son sujet en adaptant le roman L’Homme de Plonge de Dannie Martin.


Cette adaptation, on la doit à Jérémie Guez, jeune réalisateur d’à peine 32 ans, qui avant A Bluebird in my Heart avait œuvré en tant que scénariste sur des films tels que Lukas, La Nuit a Dévoré le Monde, ou encore Rebelles. Le film est bouclé depuis deux ans déjà et a eu droit à une présentation au festival SXSW en 2018. Initialement prévu pour une exploitation sur le grand écran fin 2018, il est finalement repoussé puis récupéré par un autre distributeur qui décide de le sortir en 2020. Mais COVID-19 oblige, et comme bon nombre de films censés sortir cette année-là, il finira par atterrir directement en VOD en juin 2020 alors que, rien que pour sa plastique, il aurait clairement eu une place au cinéma. Alors A Bluebird in my Heart, ça cause de quoi ? Nous suivons Danny, un ancien taulard qui est mis en liberté conditionnelle et qui s’installe dans un petit hôtel tenu par Laurence, dont le mari est en prison, et sa fille Clara, jeune demoiselle un peu paumée par l’absence d’un père, avec qui il noue petit à petit une relation complice. Danny n’a qu’une seule envie, retrouver un semblant de vie normale. Il trouve un boulot de plongeur dans le restaurant chinois du coin et prend un certain plaisir à exécuter ces tâches que beaucoup trouveraient ingrates mais qui pour lui sentent bon la liberté. Danny a un code moral qu’il cherche à respecter coute que coute, mais à cause de son statut de prisonnier en liberté conditionnelle, il se sait vulnérable et prend parfois des décisions étranges, par peur de faire le faux-pas qui le renverra en taule. Ce faux-pas, il le fera lorsqu’un dealer trainant souvent dans le coin va violer la jeune Clara presque sous ses yeux. Pour lui, et ce malgré son bracelet électronique lui rappelant constamment son sursis, c’est inacceptable et lorsqu’il va recroiser le coupable en train de prendre tranquillement son repas dans le restaurant où il travaille, il va décider de venger cette injustice lui-même et laisser parler toute la brutalité qui sommeille en lui. C’est là que les ennuis vont commencer…


A Bluebird in my Heart est un film très minimaliste, intimiste, épuré de tout subterfuge et autre délire visuel. L’ambiance y est froide, noire, assez rugueuse, au même titre que les décors qui parcourent le film et superbement mis en valeur par le réalisateur. La mise en scène est très réussie. C’est extrêmement bien filmé, avec des plans superbes, et une photographie millimétrée. Les paysages et décors sont désolés (rues en travaux, terrains vagues n’inspirant pas confiance, cuisine sale, …) mais pourtant ils paraissent presque beaux. A ce minimalisme s’ajoute un rythme relativement lent. A Bluebird in my Heart prend clairement son temps et risque d’en perdre très vite certains tant le réalisateur s’attarde sur le quotidien assez lambda des personnages dans toute la première partie du film. Pourtant, il se peut bien que comme moi, vous vous retrouviez embarqués dans cette histoire de rédemption, dans cette relation touchante, toute en délicatesse, non dénuée de violence, aussi bien physique que psychologique. L’histoire en elle-même est simple et classique, trop peut-être même, et manque clairement de mordant. Mais il règne une ambiance assez hypnotique et ce en partie grâce au personnage de Danny, interprété par un excellent Roland Møller, très charismatique, à la fois impassible, quasi mutique, mais pourtant complètement bestial lorsqu’il laisse éclater sa colère. On ne sait pas grand-chose de lui, ce qu’il a fait pour arriver en prison, le film préférant garder le mystère. Ça fonctionne car on ne cesse de se questionner tout du long. Dommage que le final sous forme de happy end fasse un peu tâche comparé au reste du film, un peu comme si Jérémie Guez s’était senti obligé de rajouter une petite touche de positivité avant que ne défile le générique de fin.


A Bluebird in my Heart est un thriller dramatique qui risque d’en rebuter pas mal à cause d’un rythme d’une grande lenteur. Pourtant, cette première réalisation de Jérémie Guez est attachante, en partie grâce à un très bon Roland Møller et à une beauté plastique froide du plus bel effet.


Critique originale avec images et anecdotes : ICI

cherycok
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le 16 févr. 2021

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