Peut-on émettre un avis à peu près objectif quand l’intégralité de la bande son du film réveille une tonne de souvenirs et résonne de la pointe de nos cheveux à celle de nos orteils?
Non, on ne le peut pas.


Bohemian rapsody a pour lui la musique de Queen: de la première à la dernière minute on a envie d’encore, on veut danser, chanter, applaudir.
Et puis on a pitié du reste de la salle qui n’est peut être pas aussi fan que nous, ou alors qui l’est justement, et qui risque de mal le prendre s’il entend une affreuse voix chantant faux (et avec les mauvaises paroles) sur les meilleurs titres de son groupe fétiche.


Le film a aussi et surtout bien géré son casting: ressemblance physique réelle ou travaillée, mimétisme, costumes, rien n’est laissé au hasard et on a l’impression d’assister à une compilation des meilleurs photos du groupe auxquelles on aurait donné vie.
Hormis la dentition de Rami Malek, on croit à ce qu’on nous montre, peu importe que ses yeux n’aient pas la bonne couleur, on retrouve dans son regard un reflet un peu déformé de l’original, mais un reflet quand même.


Pourtant, quand démarre l’intrigue on est gêné dans notre plaisir absolu par une petite voix. Pas celle de Freddie, mais un murmure qui vient nous dire que tout n’est pas parfait.
Déjà parce que certaines décors manquent de profondeur: chez les parents de Freddie surtout on se croirait dans un soap opera, avec des murs en papier à cigarette.
Les dialogues aussi font souvent très tarte à la crème.
Il faudra attendre les scènes de groupe pour perdre ce côté forcé et se laisser porter.
Le fait de donner un aspect “petit théâtre” est comme un message adressé au spectateur pour lui dire qu’il ne va pas se retrouver devant autre chose qu’une mise en scène du conte de fées “Queen”: ce qu’on va lui raconter ne sera rien de moins que la version “officielle”.


Il faut se rendre à l’évidence: on est dans un film validé par ce qu’il reste du groupe, on va donc peu écorner les uns et les autres.
Ce qu’on va nous dire de la vie du groupe ou celle de son leader ne sera ni plus ni moins qu’un condensé de ce qu’ont pu publier les journaux de l’époque. Il n’y aura pas de révélation.
On a droit à une revue de presse géante transformée en film.


La plupart des étapes de la vie du chanteur est évoquée, si bien que les fans ou ceux qui connaissent déjà l’histoire comprennent les clins d’oeil: un carnet de dessin avec une ébauche de logo: on sait que c’est freddie qui est en train de le créer, un regard appuyé sur un homme qui entre dans des toilettes, on sait que Freddie va l’y rejoindre…


Même les moments de composition sont suivis en vitesse accélérée, si bien qu’on perd ce qui pouvait faire le sel du biopic “love and mercy” sur les beach boys où on avait vraiment le sentiment de prendre part à la création.


Et puis il y a la fin.
Là, le film réécrit l’histoire en redessinant les faits: il créé une tension dramatique artificielle autour du concert de live aid en en faisant le chant du cygne de Queen.


On comprend l’importance de terminer sur ce moment qui effectivement est considéré comme le plus emblématique concert du groupe à son sommet. Il est d’ailleurs très bien reproduit, offrant en plus aux fans la satisfaction d’entendre des titres plus longtemps que tous les autres depuis le début du long métrage.
Le réalisateur (les producteurs ou on ne sait qui) ont sans doute tranché pour cette solution histoire de ne pas arrêter le film au live aid “bêtement”, sans traiter du sida.
Niveau dramatique c’est plus fort comme ça, mais ça va laisser croire à beaucoup de spectateurs que c’est la vérité, alors qu’il suffit de quelques clics pour comprendre que c’est faux.
Le reste du film était pourtant très fidèle à ce qu’on savait déjà, partir sur cette fausse note est dommage.


On pourra regretter évidemment un film très aseptisé, où les travers du héros, s’ils sont évoqués, ne sont pas creusés, on pourra regretter le manque de point de vue, l’absence de propos, mais on pourra aussi se dire qu’on a profité du divertissement sans arrière pensée autre que “je vais écouter du Queen pendant quelques semaines après ça”.
Il ne faut y chercher ni une formidable biographie, ni un grand moment de cinéma, mais un bon hommage qui fait le job, une piqûre de rappel pour se souvenir de l’apport du groupe, des titres qu’on fredonne sans même penser au groupe qui les a fait naître, et surtout de l’importance d’avoir une leader qui fait le show, et qui s’en va en invitant tout le monde à le continuer même sans lui.
D’ailleurs ça continue notamment avec ce film, qui même s’il est un miroir déformant, essaie de refléter un peu de la lumière qui a émané du groupe, et c’est déjà une bonne chose de voir que beaucoup ont goûté au spectacle et au plaisir de se dandiner dans un siège de cinéma qui pourtant s’y prête bien peu.

iori
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le 14 janv. 2019

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