Première scène, grosse musique funk, plan-séquence de toute beauté, personnages en tout genre, ça y est, on y est déjà, dans une de ces "boogie nights", ces nuits endiablés (dans tous les sens du terme...).

PTA m'avait conquis avec There Will Be Blood, il fallait donc que je puisse voir un autre de ces films. C'est chose faite, et je ne suis pas déçu !

Boogie Nights est vraiment un film de grande qualité car il dépeint la trajectoire d'une star du X, de sa naissance à ses heures de gloire en finissant par sa descente aux enfers. A la manière du Parrain, Dirk Diggler prend une ascension fulgurante, pour mieux chuter ensuite. D'ailleurs, en parlant des films de mafia, de ce genre particulier, on sent que Anderson est extrêmement influencé par Scorsese. Sa mise en scène est frappante de ressemblance (sans tomber dans le mimétisme quand même) et même la scène finale peut faire penser à Raging Bull. Enfin bref.

La mise en scène, parlons-en donc. C'est une vraie réussite. Mention spéciale aux longs plan-séquence qui à chaque fois réussissent à nous faire traverser tout un endroit en donnant à chaque personnage de ce lieu une réplique, une intervention. Dans ces moments, la camera se balade de façon incroyablement aisée à travers ces scènes, c'est vraiment magique.
Mais de manière générale, Anderson use de très bons procédés pour mettre en image un sujet qui n'est pas forcément très facile. Ainsi les scènes de tournage jouent entre suggestion et plans divers sur d'autres éléments. Chaque production, chaque enregistrement est illustré d'une réduction importante de l'image (bande noires sur les côtés), comme pour souligner également le format cassette, élément majeur de l'histoire... Les plans sont rythmés, ont parfois une intensité étonnante, et parfois une grande sobriété (scène du nouvel an, exceptionnelle). Bref, très bonne mise en scène, pour résumer.

Le format cassette, justement, ça me fait penser à l'histoire. Le scénario s'étend sur une longue distance, des années et des années... Il s'installe entre la fin des années 70s et le début des années 80s, et PTA en profite pour représenter parfaitement les bouleversements de la société de l'époque. Changements dans la mode, changements musicaux par exemple, mais aussi de manière plus profonde, les nouvelles technologies (vidéo, hi-fi), les enjeux de la société de consommation, les nouveaux modes de vie. On parle même de la violence au cinéma, du machisme, etc... On est vraiment plongé au cœur de cette époque et de tout ce qu'elle comporte.
Le scénario s'étend donc entre ces deux époques, comme un pont reliant deux mondes bien différents. Et Dirk Diggler étant le relai, le symbole de ce changement.

Les personnages justement, parlons-en. Ils sont géniaux. Dirk est très crédible dans sa construction, de son origine (contexte familial rude, échec dans les études) à sa fin (rédemption). Ceux qui l'entourent sont également d'une grande justesse. Julianne Moore est excellente dans le rôle ultra ambigu de l'actrice porno mère/amante au nez rempli de coke 24/24h... Roller Girl, Jack ou encore le colonel pour n'en citer que quelques uns complètent cette galerie de personnages assez différents les uns des autres, finalement.

Un petit mot sur la BO, excellente, des tonnes de musique de l'époque, de grande qualité, c'est jouissif... L'esthétique globale est de bonne qualité. Bien kitsch comme on l'aime.

Boogie Nights relève donc de vrais problématiques. Il peint un milieu social en pleine décadence, en rupture avec sa société, en totale perdition. Dirk Diggler n'est qu'un élément parmi d'autres de cette communauté. Il n'est là qu'en tant que parfait représentant du sujet.
Société vulgaire, suffisante, vivant sur elle-même et qui perd les réalités des choses. Paul Thomas Anderson n'a pas juste fait un film à l'esthétique parfaite et à la mise en scène très réussie. Il a surtout mis le doigt sur quelque chose, et il l'a bien mit ! Et ça fait assez peur finalement...

Peut être un peu caricatural, mais quand même dans l'ensemble très juste, Boogie Nights n'évoque donc pas que les nuits endiablés, les fêtes jusqu'à pas d'heure où la débauche est de mise. Non, il va plus loin, et sous couvert d'une esthétique résolument kitsch et accrocheuse, il nous laisse entrevoir un univers malsain et effrayant qui sans doute encore de nos jours existe. A réfléchir...
Ripailloux
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le 7 nov. 2010

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7 j'aime

Ripailloux

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