Ce film est un exercice de style pur : il s'agit ici non pas de rendre hommage mais carrément d'imiter les films américains de seconde zone des années 70 (Point limite zéro, Dirty Mary, Crazy Larry et autres slashers cités en référence par les personnages de Boulevard de la mort dans une scène de "débat ciné" comme on en voit souvent chez Tarantino) Et le problème avec les exercices de style, c'est que ça a ses limites : pas évident de maintenir l'intérêt du spectateur pendant deux heures quand tout tient dans la forme.


Alors autant Boulevard de la mort est très réussi sur la forme (lettrage jaune et épais du générique, image crade, sauts de la pellicule, points blancs... : l'imitation est impeccable, on est en plein 70's), autant il peine à être passionnant tout du long. On s'y intéresse d'abord pour l'exploit visuel, vraiment bluffant, mais une fois qu'on a assimilié l'hommage réussi, il ne reste plus grand chose.


Ainsi la longue première scène de dialogue entre filles dans la bagnole est-elle assez chiante : je ne sais pas si c'est parce que je suis un mec (y a pas de raison en même temps : j'adore Bridget Jones ! ^^), mais quatre pétasses qui discutent dix grosses minutes en mode "Et alors, tu l'as embrassé hier soir ? Et c'était comment ? Et vous êtes restés sur le canapé ?", c'est quand même vachement moins prenant que les encostardés de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction qui dissertent sur les textes de Madonna ou les fast-food européens.
Sans compter que les films qu'imite Tarantino ici, c'est pas ce qui s'est fait de plus captivant niveau scénario dans les années 70.


Ceci dit, beaucoup de bonnes choses dans ce Boulevard de la mort. Comme toujours chez Tarantino, une excellente B.O et un casting impeccable, avec en tête un Kurt Russell flippant et hilarant en vieux beau démodé qui massacre en se fendant la gueule mais chiale comme un môme au premier pépin, et Zoe Bell, doublure de Uma Thurman dans Kill Bill et ici dans son propre rôle, celui d'une cascadeuse sexy et gouailleuse, pure héroïne tarantinienne qui rééquilibre les guerres de sexe à coups de barre de fer.


Le premier meurtre est violent à souhait, la scène de collision à pleine vitesse répétée sous quatre angles est trash à mort, et la séquence de course-poursuite finale est tout simplement jouissive : de l'adrénaline pure, haletante et drôle, qui tient le spectateur entre tension et éclats de rire.


Quand je suis ressorti de la salle j'étais encore tout excité par ces vingt dernières minutes complètement jubilatoires, qui aident finalement à être plus indulgent sur le reste puisque c'est sur cette bonne impression qu'on quitte la salle. Boulevard de la mort est un film bancal bourré de longueurs et de faiblesses, mais aussi un film sexy, drôle, rock n' roll, et un exercice de style réussi.

AlexandreAgnes
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le 30 mai 2016

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Alex

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