"Boyhood", c'est avant tout une idée : filmer les mêmes acteurs pendant douze années afin de reconstituer l'enfance d'un jeune garçon, c'est un inédit dans l'histoire du cinéma.
Le film s'avère juste, agréable, parfois touchant : on se réjouit d'y trouver des personnages crédibles, des situation savoureuses, et un portrait doux-amer de la société américaine des années 2000. Richard Linklater a d'ailleurs réussi sa principale mission : capter le sentiment du temps qui passe, jouer la mélodie de l'enfance et de l'adolescence avec sensibilité et brio.
Cependant, le concept du film semble avoir entaché la qualité de l'ensemble en plusieurs points : les longueurs n'ont pas pu être évitées, notamment dans la dernière heure du film, où le personnage de Mason semble faire du surplace. Le film nous a montré une histoire en mouvement, et il se fige dans un dénouement qui n'en finit plus. Il est probable que le tournage étalé sur douze ans ait, sur ce point, brouillé la lucidité de Linklater : 2h30, c'est encore trop. De plus, on se prend à être agacé par Mason : ses interminables discours de pseudo-anti-conformiste-rebelle deviennent, à la longue insupportables ; on a la désagréable impression d'être confronté non pas à un adolescent différent, mais à un jeune homme tellement obsédé par l'idée d'être différent qu'il se complaît dans une attitude de critique systématique, qui semble surjouée et artificielle. On pourrait répondre que ce comportement de différenciation obstinée est le propre de l'adolescence : ceci est vrai, mais Linklater a échoué à effacer l'agacement qu'il peut provoquer.
Enfin, l'on peut reprocher à Boyhood l'absence de traits de génie purs : la bande-son est loin d'être exceptionnelle, la mise en scène et la réalisation sont d'un classicisme sage, de même que les dialogues. Ces bémols peuvent sembler légers, voire dérisoires, mais on est en droit d'en attendre plus d'un film considéré par beaucoup comme un chef d'oeuvre.
Au final, Boyhood est un agréable tableau, qu'on prendra plaisir à regarder, mais il échoue à imprimer un souvenir inoubliable.
Hadrien_Mathoux
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le 23 août 2014

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Hadrien Mathoux

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