12 années de travail pour une expérience unique au cinéma.

"Boyhood", c'est un peu l'odyssée de toute une vie, d'une carrière; c'est aussi l'histoire d'un pari fou lancé il y a déjà 12 ans. Pour Richard Linklater ce concept paraissait être une évidence, il voulait raconter la banalité quotidienne d'une famille américaine moyenne en jouant à fond la carte du réalisme et de l'authenticité. Certains auraient sûrement échoué, d'autres auraient abandonné, mais Linklater lui, croyait en cette chance de pouvoir réaliser ce rêve, cette idée folle. Pour cela, il fallait avoir l'appui de son équipe. Comment a-t-il fait pour convaincre les acteurs? Comment a-t-il fait pour s'abandonner à ce gosse de 6 ans qui ne semblait pas être différent d'autres enfants de son âge, et qui a réussi à gagner la confiance d'un homme qui pouvait tout perdre. On peut aussi se poser la question de comment a-t-il réussi à convaincre des producteurs de se lancer avec lui dans cette aventure, au risque d'y laisser beaucoup d'argent? 12 ans, c'est long et les risques ne peuvent que croître avec le temps. Tous ces facteurs ont été pris en compte, il a fallu certainement se serrer les coudes à certains moments, ne pas se décourager, garder espoir, pour pouvoir écrire ce nouveau chapitre de l'histoire. Et quelle histoire!!! Jamais une expérience tel que "Boyhood" n'aura été aussi fructueuse. Cela aurait pu se conclure sur un film quelconque, ou seule cette anecdote extraordinaire de 12 années de tournage aurait alimenté les conversations, il n'en est rien. "Boyhood" est éblouissant de sincérité et d'émotions. Le changement tant sur les personnages (psychologiquement et physiquement) que sur l'époque font de ce film une expérience unique. L'unique sensation du temps qui avance et qui procure le sentiment d'une véritable métamorphose, accentuant le trajet de ce train de vie, comme étant l'apothéose du récit freudien. Le développement humain du passage de l'enfance à l'adolescence et de ce dernier à l'âge adulte thématise l'enjeu de ce film et procure grâce au fait de la conservation des acteurs un véritable choc émotionnel. Ce choc atteste d'un sentiment de collusion amplifié par la véracité fichiste du film qui réveille des émotions qu'on ne partage pas souvent avec la fiction. Tout sonne juste, que se soit les relations, les dialogues, les scènes, tout se prête à se conférer à une honnêteté non manichéenne. Les acteurs sont géniaux et participent amplement à la réussite du film, mention spécial à Ethan Hawke et Patricia Arquette. Les différentes tranches de vie montrées à l'écran représentent à différents niveaux, ce qui façonne une personne, ce qui la fait évoluer aussi bien négativement que positivement. Car oui, cette histoire n'est pas toujours rose, elle dépeint d'une Amérique parfois déchirée, où les idées divergent et où le libre arbitre n'a pas toujours sa place (cela se confirme avec le père qui tente de convaincre ses enfants que la guerre en Irak est une erreur, ou bien la campagne qu'il livre avec ses progénitures sur le cas Obama). Le monde est montré sous un visage révélateur, tout en subtilité, jamais faussé par de quelconques stéréotypes qui pourraient rendre certaines scènes superficielles, confirmant la réel réussite de "Boyhood". Seul petit bémol, vu la durée du film (quand même 2h45), il aurait été peut être judicieux de primer sur l'essentiel, dont certaines scènes y sont quelques peu dénaturées et auraient pu être limitées ou supprimées permettant peut être au réalisateur de pouvoir traiter en profondeur certains thèmes universels comme la drogue, le sexe, les passions (comment en vient-il à aimer la photo?). Difficile évidement de réunir tout cela si l'objectif primaire est de filmer le temps qui passe et le quotidien d'une famille à fleur de peau. "Boydhood" est parsemé de bons sentiments et de messages aussi forts que justes (superbe pied de nez à la naïveté si représentative d'un cinéma moins intimiste comme certaines productions hollywoodienne). Richard Linklater évite habilement tout les obstacles qui auraient pu mener ce récit à devenir moralisateur, écologiste, et de très mauvais goût. Vous l'aurez compris, ce film, est une petite perle du cinéma indépendant américain, mélancolique et pleine de vitalité, que je conseille fortement d'aller voir. Vous ne le regretterez pas.

Créée

le 25 juil. 2014

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Jogapaka

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