Malgré ses excès en tous genres et ses provocations, Brimstone est un western qui ne manque pas d'intérêt, qui mérite d'être vu et qu'on voit sans ennui, bien qu'avec des sentiments partagés. De type crépusculo-tarantinesque, il est l'oeuvre d'un réalisateur néerlandais ayant indéniablement du savoir-faire (ce doit être son 9 ou 10ème film) et même du talent, mais dont la réputation n'avait pas franchi les frontières des Pays-Bas, avant que Brimstone ne soit présenté à la Mostra de Venise 2016. Koolhoven, puisque c'est son nom, est un réalisateur ambitieux, probablement impatient de faire son entrée dans l'Olympe des grands maîtres mondiaux et prêt à tout pour y parvenir. Assez proche (pour le style) d'un Tarantino, il est comme lui adepte d'un sensationnalisme éhonté et du déchaînement de la violence à l'écran. Par ailleurs, c'est quelqu'un qui a clairement une dent contre les religions, en tout cas judéo-chrétiennes, rancoeur, rancune ou colère qu'il exprime de façon sourde, presque sournoise (il est ouvertement violent et même sadique, mais sourdement anti-judéochrétien).
On sent chez lui, plus que chez beaucoup, l'influence des maîtres et classiques du cinéma mondial d'hier et d'aujourd'hui ; citons en vrac, outre Tarantino et La Nuit du chasseur (ses références les plus évidentes), Hitchcock ("plus le méchant est réussi, meilleur est le film"), Sergio Leone, Clint Eastwood, True Grit des frères Coen, Jane Campion et sa Leçon de piano (pour une des toutes dernières scènes), etc.
Son film vaut la peine d'être vu pour plusieurs raisons.
D'abord, on ne s'y ennuie pas. On peut être révolté par certaines scènes ou péripéties, mais on ne s'ennuie pas (et le film dure 145 minutes), on ne décroche pas, même si certains passages sont moins bons que d'autres (et ça, ça signifie quand même que certains passages sont très bons).
Ensuite, la photographie des extérieurs est souvent superbe... comme chez Tarantino d'ailleurs, par exemple dans Les Huit Salopards (de salopards, Brimstone en propose surtout un, mais il est puissance 8... à la limite du crédible).
Surtout, la structure de l'histoire sauve le film de ses, autrement criantes, incohérences (ou exagérations) psychologiques. Structure qui rappelle celle de Moonlight (avec ses hiatus temporels), sauf qu'il n'y a pas trois chapitres mais quatre, et qu'ils ne sont pas dans l'ordre chronologique, ce qui maintient un certain suspense, puisque, dans le déroulé du film, on ne comprend pas tout de suite le pourquoi du comment et qu'on met ça sur le compte de cette chronologie brisée. Les quatre chapitres apparaîtraient presque comme quatre histoires différentes mises bout à bout, d'autant que l'héroïne n'est pas jouée par la même actrice (comme dans*Moonlight*), selon qu'elle est jeune femme mariée de vingt-cinq ans ou gracile ado de treize. Mais le méchant (le pasteur, meurtrier sadique, incestueux et pédophile, joué par Guy Pearce), lui, est le même dans les quatre morceaux, et il en a toujours après la même personne (sans qu'on ne sache trop pourquoi, au départ), ce qui nous aide à comprendre que ces quatre chapitres assez dissemblables ne font qu'une seule et même histoire.
À dire vrai, le portrait du pasteur est si outré que ça en devient, à la longue, un peu artificiel et qu'on finit par s'interroger sur les intentions et/ou motifs de Koolhoven dans l'écriture et la réalisation d'un tel film. J'ai essayé ci-dessus d'en avancer ou exposer certains, mais peut-être en trouverez-vous d'autres qui ne se résumeraient pas seulement à la volonté de sortir du lot à tout prix.
Conclusion : Le film est parfois très beau (tout près du chef d'oeuvre) et parfois odieux et insupportable. Il me semble pourtant que le bon l'emporte sur le mauvais. D'où ma note.