Bullitt par Longshot

Quand on regarde Bullitt, on ne peut qu’être séduit ou impressionné par la rage toute contrôlée de ce flic que tout le monde s’acharne à montrer du doigt. Steve McQueen donne une belle profondeur de « trop-endurci » à son personnage qui devient pour le coup un flic crédible et nettement moins caricatural que Martin Riggs, John McClane ou Dirty Harry. Le héros est désenchanté, désabusé à un tel point que sa petite amie (la très belle Jacqueline Bisset) a du mal à savoir s’il est encore capable d’éprouver un sentiment amoureux… voire un sentiment tout court. Frank Bullitt erre dans les couloirs des hostos, comme dans ceux de la police, bien décidé à boucler son affaire, vaille que vaille. Et le danger ne vient pas tant des gangsters qu’il traque que de ses propres supérieurs, bien décidés à le diriger dans une autre direction, voire à le radier complètement pour désobéissance aggravée. Bref : tout va bien… Et Steve McQueen, excellent dans ce rôle intelligent de flic entêté mais calme, survole l’histoire en emmenant le spectateur avec lui.

L’ensemble est encadré par les compositions sans failles de Lalo Schiffrin, qui a bien compris que ce film-là avait besoin « d’autre chose » que d’un simple accompagnement qui mettrait en valeur les scènes d’action… La bande originale est une petite merveille de musique soft et jazzy qui donne aux scènes des couleurs chaudes et profondes. En écoutant la musique, on pense à une enquête longue, compliquée, minutieuse… C’est bien plus une musique de film noir à la John Huston (The Asphalt Jungle) ou à la Hitchcok (North by Northwest) que celle que l’on pourrait attendre d’un polar plus « lisse »…

C’est peut-être ce curieux cocktail de profondeur et d’un réalisme parfois un peu sordide qui donne une qualité si évidente à ce « polar d’action lente ». Ce genre de cocktail un peu audacieux rate neuf fois sur dix, mais il y a toujours une fois où le breuvage obtenu est exceptionnel.