Il y a dans Burn Out, derrière l’apparat de film d’action lambda qui le recouvre, une vraie poésie. Ne quittant jamais des yeux Tony, le personnage principal (François Civil, éclatant, à la fois robuste et terriblement fragile), le film prend le parti de ne jamais s’arrêter. Le suspense distillé depuis l’élément déclencheur (l’ex-femme de Tony doit de l’argent à des mafieux, l’obligeant à devenir un go-fast pour leur compte) ne trouve de résolution qu’à la toute fin du long-métrage. Entre-temps, c’est une alternance de courses-poursuites et dialogues sur le fil qui maintiennent le spectateur sous tension. On assiste pendant presque deux heures à la descente aux Enfers irrémédiable et violente de Tony, incapable de conjuguer sa morale, sa carrière de motard pro en devenir et les sales boulots qu’on lui confie.


De la même manière que son personnage se shoote aux sensations fortes (allant jusqu’à délaisser sa famille, la moto étant la cause de sa séparation), le réalisateur Yann Gozlan semble ici obsédé par le mouvement et la vitesse, qu’il déconstruit et autopsie à chaque scène de course. Dès l’ouverture (une compétition sur circuit haletante et puissamment sensorielle), le ton est donné. Gros plans hyper-esthétisés, souffle rauque du pilote, caméras Go-Pro attachées aux bécanes, l’immersion est totale. Ne manque plus que les odeurs d’essence... Mais c’est pendant les fameuses séquences go-fast que la mise en scène dévoile tout son potentiel. Aux antipodes du plan-plan et ennuyeux Un Homme Idéal (le précédent long-métrage de Gozlan), le cinéaste transcende son postulat de base. Baignées d’une très jolie lumière, ces séquences hallucinogènes tendent souvent vers l’abstraction visuelle ; voitures rendues monstrueuses par la lueur des phares, lignes blanches disparaissant dans le néant de la nuit... On le comprend vite, cette route que Tony avale à 250 km/h n’est autre que le chemin qui le mène vers un destin sombre et tragique, un Styx de bitume.


Le mouvement de Tony, sa fuite en avant désespérée, voilà ce qui porte ce Burn Out sur-vitaminé, allant jusqu’à prendre le pas sur la narration. Si cela est parfois bénéfique (on ne sait jamais vraiment où Tony doit faire ses livraisons ni à qui, une volonté d'épure narrative qui rejoint les effets de style évoqués précédemment), difficile pour autant de ne pas reprocher au film son histoire convenue, qui souvent brise l’élan de grâce amené par les scènes d’actions. Le personnage féminin unique du film est réduit au statut de prétexte (c’est par elle et ses erreurs que l’histoire débute). Par ailleurs le film s’emmêle dans une vision unilatérale de la société qu’il dépeint ; ainsi, si la séquence qui en résulte est un joli moment de polar stressant à souhait, la scène de l’émeute des banlieues est bien trop caricaturale pour vraiment convaincre.


Malgré tout, Burn Out est un film qui fait du bien, un vrai souffle de fraîcheur dans un paysage cinématographique où le talent est de plus en plus galvaudé. Certes, les erreurs d'écriture sont nombreuses, mais le film surprend par sa créativité, sa beauté et son rythme sans concessions. Voilà bien la preuve (s’il en fallait une) que le cinéma de genre français a encore de beaux restes.

Bewaretheblob
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le 11 janv. 2018

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