I – Le cirque


Je savais que Ça connaissait un énorme succès, et que les conditions sont mauvaises quand on va voir un film d'horreur dans une salle de cinéma remplie... mais ça ne m'est revenu à l'esprit qu'une fois assis, en sentant déjà les personnes qui poseraient problème autour de moi.
Énormément de gens parlaient pendant la séance, il y avait même une conne qui éclatait de rire aux moments inopportuns, mais le plus étrange était un type à ma droite qui disait à voix haute à sa copine à quel point ça lui "cassait les couilles" que les gens parlent.


Mais ces conditions ne m'ont pas dérangé autant que le film en lui-même, qui m'a suffisamment agacé et ennuyé pour qu'au bout d'une heure et quelques, je veuille déjà quitter la salle (dommage, j’étais accompagné).
J'ai un vague souvenir du bouquin de King et du téléfilm de 1990, du coup j'ai du mal à démêler ce qui était dans l'un ou dans l'autre ou ce qui a été inventé ou omis dans cette nouvelle adaptation. Mais en tout cas, j'ai l'impression que ce film ne saurait exister comme œuvre à part entière, et qu'on compte sur le fait que le public ait déjà une idée de l'histoire de Ça pour remplir les trous de l'intrigue.
Pendant une bonne portion du début, le film se résume à un enchaînement de séquences où, dans chacune, sont d’abord tracés vite fait les contours de l’intrigue ou de la caractérisation d’un personnage, puis intervient Pennywise. Et ce de manière systématique. De sorte qu’il n’y ait aucune surprise, et qu’on ne laisse pas l’histoire et les protagonistes vivre indépendamment de la menace.


II – Freakshow


Seule la moitié des héros est un minimum développé, pour les autres ils sont résumés à un trait de caractère ou à une seule scène d’exposition (il y en a un dont je n’ai pas retenu le nom, dont tout ce qu’on sait c’est qu’il est juif et a peur d’un tableau), ce qui est évidemment loin de suffire pour les rendre attachants.
Et encore, le gosse obsédé par ses allergies m’a irrité, mais pas autant que Richie, le blagueur insupportable, qui désamorce pratiquement toute tentative de scène sérieuse par une vanne lamentable dont la punchline est, au choix, "… ta mère" ou "…ma bite".
Les réactions absurdes des personnages participent davantage au détachement que j’ai ressenti par rapport à eux. On pourrait citer Bill qui insiste pour que tout le monde reste ensemble et qui se barre à la première apparition, qu’il sait illusoire, de son petit frère. Mais ce qui m’a le plus perturbé, c’est Mike qui, selon toute apparence, cause la chute mortelle de quelqu’un, et s’en remet immédiatement. Il a 15 ans et n’osait pas jusque là abattre des animaux dans la ferme de ses grands-parents, mais ça ne semble pas le traumatiser plus que ça.


Cette adaptation essaye de se démarquer par la caractérisation du personnage féminin, en allant à l’encontre de préjugés sexistes : Beverly s’avère plus courageuse que ses comparses masculins… ainsi, quelle misère de la voir reléguée finalement au statut de demoiselle en détresse, puisqu’elle est la seule que Pennywise capture, et laisse indemne (allez savoir pourquoi il ne la dévore pas de suite comme tous les autres). Dans le film, c’est la raison pour laquelle le reste du groupe se jette dans la gueule du loup, mais ça ne se passe pas du tout ainsi dans le bouquin ; non pas que je déplore le manque de fidélité à l’œuvre d’origine, mais plutôt le choix de s’en être écarté pour nous resservir à la place un ressort narratif non seulement éculé mais qui va à l’encontre de la démarche plus ou moins féministe amorcée jusque là.
Mais dans le genre, il y a pire encore : ce cliché pathétique du baiser qui réveille la princesse endormie ; c’est d’une telle absurdité dans un film pareil que j’avais envie de m’enfouir dans mon fauteuil, d’autant plus que le public s’est mis à applaudir bêtement.
Par ailleurs, j’ai trouvé très douteux de sexualiser à ce point Beverly ; je comprends que tous les garçons qui l’accompagnent soient attirés par la seule fille du groupe, mais l’actrice n’a que 15 ans (probablement 14 à l’époque du tournage), alors était-il vraiment nécessaire de la montrer à plusieurs reprises en sous-vêtements pour véhiculer cette idée ?


III - Clowneries


Globalement, Ça est un film qui manque vraiment de subtilité. Tout ce qu’on doit comprendre est appuyé avec insistance, et à de nombreuses reprises je me suis dit qu’il y a des idées qui auraient pu être bonnes si elles nous avaient été présentées de manière moins flagrante : toutes les allusions à Pennywise par le biais de la télévision, ses apparitions dans les vieux documents de Derry, … Il y a une gravure des anciens habitants dans laquelle se cache le clown, et au lieu d’en faire un simple détail, il y a un énorme gros plan là-dessus, qui n’est même pas justifié par le regard des personnages parce que, eux, n’y prêtent pas attention.


Et les attaques de Pennywise sont présentées de la même manière, c’est très frontal, très "in-your-face", littéralement, puisque plusieurs fois, les différentes incarnations du monstre se présentent juste devant la caméra, comme si le spectateur se retrouvait face à face avec lui. Et les plans de la sorte durent, visant plus à dégoûter par l’exposition prolongée à une image supposément rebutante, qu’à effrayer. C’est un procédé navrant et, me concernant, inefficace.
Pour les frayeurs, le réalisateur s’appuie plutôt sur les artifices les plus lourds et faciles que l’on connaît déjà par cœur : le jump-scare, et la musique stridente censée faire trembler par sa simple présence, quand bien même il ne se passe rien de spécial.
Il y a également la surenchère, jusqu’à l’absurde, dans la représentation de Pennywise : il présente ses crocs dès sa première apparition, et ainsi, ne trouvant visiblement rien d’autre pour rendre le clown de plus en plus menaçant, Muschietti multiplie les rangées de dents à chaque fois, jusqu’au final ridicule (je me demande si dans le chapitre II, il y aura une scène où Pennywise sera composé de crocs de la tête au pieds ?).


IV – Train fantôme


Je ne vais pas m’empêcher de revenir un instant sur le Pennywise incarné autrefois par Tim Curry : c’était un méchant marquant par son charisme et son sadisme, qui se servait de ses pouvoirs pour persécuter ses victimes de façon inventive. Ce n’était pas sans rappeler un autre tueur d’enfants bien connu, Freddy Krueger, auquel le Ça version 2017 fait d’ailleurs référence ; mais son Pennywise en revanche ne fait preuve d’aucune imagination.
J’ai été très déçu par les hallucinations qu’il provoque, les situations n’ont rien d’original, et en plus leur rendu est particulièrement moche. J’ai été surpris par la laideur des CGI, pour une production à si gros budget ; je pense en particulier au portrait qui prend vie, une idée de merde du début jusqu’à la fin, qui pue les effet spéciaux numériques mal finis.
Les différents assauts de Pennywise m’ont tantôt atterré, tantôt donné envie de me marrer ; la plupart du temps il court vers sa proie en secouant son visage en accéléré, une variante d’un effet qu’on a pu voir réutilisé abusivement dans tous les mauvais films d’horreur du début des années 2000.
Mais ce qui le rend tout sauf menaçant, c’est le fait qu’à chaque fois, il se jette sur les personnages et échoue à les attraper, se cognant même des fois contre une paroi. Et lorsqu’il tient enfin un des gamins entre ses griffes, il traîne à le tuer jusqu’à ce que les autres enfants viennent à la rescousse.
Ça fait l’effet d’un train-fantôme : une menace factice qui fait mine de nous attaquer sans réellement pouvoir nous atteindre. A part pour le premier décès du film, crucial à l’intrigue, on ne sent aucun personnage réellement en danger. Même lorsque Bev se fait capturer, tout va bien : elle flotte dans les airs, mais à une hauteur raisonnable pour que les gamins puissent l’atteindre.


V – Tir aux pigeons


On pourrait croire que pour un amateur de cinéma d’horreur comme moi, le fait que l’une de ces œuvres batte des records au box-office soit réjouissant… malheureusement, c’est encore un film de merde qui bénéficie de ce succès. Et même si Ça n’est pas aussi pitoyable qu’un Paranormal activity, j’ai la sale impression que c’est le même schéma qui se répète.

Fry3000
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le 9 oct. 2017

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Wykydtron IV

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