Ce film nous a promis la lune, voici ce qu'il nous propose: que sont nos héros? Un ramassis de jeunes pubères niais et sans la moindre personnalité ou presque, qu'on croirait régurgités des plus mauvaises teen-comédies américaines, à peine écrits parce qu'à peine ré-imaginés pour le cadre du film, alors qu'ils en sont l'élément le plus important. Que sont nos méchants? Henry Bowers et sa bande? Rien de plus qu'un groupe de crétins. La mère d'Eddie? Juste une grosse dondon. Le père de Beverly? Réduit à un pervers qui chuchote la moindre de ses phrases d'un ton grinçant, pour bien nous montrer qu'il est méchant. Et CA alors? Presque rien. Si ce n'est un truc qui fait peur. Réduit à sa plus simple dimension: celle du monstre, du truc qui est là pour nous faire sursauter et rien d'autre. Rien d'impressionnant, nulle part.
Bon sang. C'est terrible. C'est digne de tous les blockbusters américains lambda qu'on voit chaque année passer sur nos écrans. Tout sonne faux, tellement faux. les personnages, leur relations entre eux, leurs peurs, les ressorts scénaristiques (oh oui lions-nous d'amitié, oh oui allons voir dans la maison du monstre, d'ailleurs vous saviez qu'il se réveille tous les 27 ANS, c'est pas vrai, oh je parie que cette bande de sales raclures tabasse un autre enfant en détresse, allons l'aider, oh oui bataille de pierre yahouu), le jeu d'acteurs, la photographie, les enfants-fantômes, cette saleté de clown. Même les corps des protagonistes ne paraissent pas naturels. Déjà parce qu'ils paraissent trop grands pour être ce qu'on nous a dit qu'ils étaient: des enfants. Le principe de l'histoire de CA, c'est que les héros sont des enfants. Des enfants trop brutalement sortis de l'enfance certes, mais dont les corps restent ceux d'enfants. Il n'est pas nécessaire de les grandir pour prétendre s'adresser à un public plus mature. Ni de donner à la seule fille de la bande les formes qui conviennent pour appâter le mâle en chaleur. C'est ridicule. Et puis aussi parce qu'ils semblent retouchés, remodelés. Leurs corps ne sont pas ceux de personnes que l'on croise tous les jours. Ce sont des corps de poupées. Des pantins sans âme qui récitent un texte appris par coeur.


et qu'est-ce que c'est que cette angoisse? L'angoisse qu'est censée susciter le film, je veux dire. Si vous me le permettez, j'aimerais consacrer un peu de cette critique à vous parler de CA, le livre. Dedans, l'angoisse était partout. Partout. Elle parcourait les rues de la ville de Derry comme le plus ordinaire des passants. Elle s'introduisait dans les maisons de nos petits héros sans défense, les pénétrait de manière virale et viscérale, au plus profond de leurs coeurs, de leurs âmes. Elle revêtait le masque de parents prétendument bienveillants et de gamins sadiques. Elle grouillait dans tous les recoins les plus sombres, toujours plus noire, toujours plus répugnante. elle se présentait à son état le plus brut sous la forme de CA, et de son avatar Grippe-Sou le Clown dansant, toujours prêts à vous offrir les ballons les plus horribles, l'incarnation de ce qui vous horrifie, vous révulse. De ce que personne, à Derry, ne désire voir. La terreur, dans ça, le livre, était une chose vivante, une pieuvre maléfique dont on jurait par moments qu'elle pouvait sortir de l'ouvrage pour tâcher les doigts du lecteur de son encre maléfique. Ce livre était la peur à l'état pur.


Qu'ai-je vu en salle? Une horreur semblable à ces clowns de bois que rencontre le malheureux Richie dans la maison abandonnée. Figée et factice. S'amenant seulement de temps à autre, avec la subtilité d'un acteur de porno gonzo et l'originalité d'une romance érotique de Harlequin. Et si on écrivait sur les murs avec du sang ce serait-il pas rigolo? Et si on te faisait genre que l'électricité elle marche plus, et pendant que tu te démènes pour rallumer la lumière bim elle se rallume sur le clown qui hurle? (c'est lassant à la longue, ils doivent nous faire le coup au moins quinze fois en deux heures.) Et si on faisait le coup du gars qui se perd dans le labyrinthe, celui des voix d'enfants au début qui chantent un air de comptine d'une manière flippante, celui du petit garçon mort qui répète une phrase inquiétante tandis que sa voix se déforme et que son corps se modifie pour laisser place à celui du monstre? CA suffit, putain. L'addition est lourde, à la fin, et la déception bien grande. Pourquoi adapter un livre dont chaque page rivalise de génie horrifique, et faire toute une campagne autour, si c'est pour se borner à imiter les centaines d'autres films horrifiques (méconnus ou non) qu'on voit tout le temps? Pourquoi ne pas proposer à son public une vraie terreur, intelligente, créative, fine?


C'est ce qui est horrible ici: qu'on nous refourgue une horreur grossière, pas innovante, marketée. Une terreur miséreuse, une sueur froide facile et jetable.
Ce film, en fait, m'a fait penser à un plat MacDo (le clown n'étant pas le seul point commun de ces deux choses). Il est très gras, pas vraiment cuisiné, un peu fade et vide de sensations nouvelles. Il se laisse consommer, digérer et chier comme de rien. Une banale production amerloque comme il y en a tant, qui distribue de fausses promesses comme autant de jolis ballons, dans l'espoir de plaire au plus grand nombre.
Mais allez, 3. C'est vrai, quoi, tout n'est pas absolument horrible. Il y a des moments où tu te marres un peu, un ou deux passages où tu sens le plus petit de tes cheveux se dresser sur ta nuque, pour y retomber aussi vite. Maigre consolation.
Quoi, comment? Un deuxième volet? Ah oui, je...je vais y réfléchir, d'accord? C'est vraiment pas certain.

DanyB
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le 29 sept. 2017

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Dany Selwyn

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