DISCLAIMER: je n'ai jamais lu le roman (pas le courage) et n'ai vu que le téléfilm de 1990, et pas récemment malgré ses abondantes rediffusions sur M6. Pis je spoile un peu, aussi.


Motivé par une certaine hype autour du film, un visuel plutôt sympa pour Gripesou et quelques considérations autour du thème de l'histoire (plus le roman qu'autre chose), à savoir, l'enfance, je me suis lancé, mais sans en attendre grand chose. J'avais trouvé le téléfilm sympa, et n'en ai jamais retenu autre chose que la création de Tim Curry.


Le film m'a laissé mi-figue, mi-raisin. Si j'ai éprouvé du plaisir à retrouver Pogo le Clown qui marrave de l'ado, si j'ai trépigné devant quelques bonne surprises (la scène d'intro tétanisante avec la mort de Georgie, un casting bien choisi, Sophia Lillis en tête, une vision bien sentie de l'antre de la bayte et une photo pas dégueulasse), celles-ci sont désamorcées par une forme bien trop démonstrative, où la musique, volontiers hors de propos, nous explique exactement quoi éprouver à quel moment, quand elle ne nous explique tout simplement pas ce qui va se passer, mais aussi par le fait que cette prod reste le cul entre deux chaises, voire plus, hésitant sans cesse sur le sujet à traiter, voire sur son propre propos.


D'abord, soyons justes: si leur écriture laisse plus qu'à désirer, principalement en raison d'un brassage de stéréotypes lourdingues (les ratés sont: bègue, obèse, myope au point de porter des culs-de-bouteille, juif, asthmatique, rousse; les "méchants" sont des grands qui écoutent du hard-rock, roulent en décapotable "trop-méchamment-classe" et se comportent comme d'authentiques psychopathes) et de répliques bien trop adultes, les gamins semblent avoir pris plaisir à interpréter leurs personnages, et ça se sent. Ensuite, la gloumoute-en-chef multiplie les avatars (même s'ils sont loin d'être tous réussis), et je trouve que c'est une belle avancée par rapport à l'édition de '90, d'autant que la vision de son antre, empilement de détritus et/ou effets personnels autour desquels gravitent ses victimes a quelque chose d'hallucinant. Ou halluciné. Ou les deux. Bref, on l'aura compris: j'ai apprécié. Enfin, il y a la scène d'intro, la mort de Georgie, que j'ai trouvée vraiment chouette: elle annonce un film glauque à l'ambiance délétère, en montrant la mort cruelle d'un garçonnet qui se vide de son sang, le bras sectionné, dans un décor rendu presque uniformément gris par une pluie battante (les tranchées de Verdun ou Khe Sanh ne sont pas loin) et presque vide de toute présence, comme une sorte de ville-fantôme. Comme une allégorie des souffrances invisibles (voire invisibilisées) par un monde adulte à côté de la plaque.


Mais, cette promesse n'est pas tenue. On espérait un film sur l'indifférence d'une ville (ou d'un monde adulte) à ses enfants, leurs souffrances et leurs inquiétudes, indifférence coupable dont Gripesou ne serait qu'une matérialisation semi-allégorique, voire un pur produit de l'esprit tourmenté par l'adolescence et les hormones de nos jeunes héros. Hormis la vieille bicoque, il n'y a pour ainsi dire pas d'interactions avec la ville de Derry, petite ville nord-américaine impersonnelle qui n'est là que pour poser un décor aisément remplaçable par un autre. Quant aux adultes, qui seraient, si j'ai bien compris le propos de la chose, être le moteur de la malveillance qui a abouti à l'existence de Gripesou (décidément, John Wayne Gacy est vraiment plus inquiétant), ils se font très rares, se résumant à une mère abusive, un père incestueux, un rabbin monoréplique, et un flic sans consistance. Tous les autres ne sont qu'ombres furtives. En cela, les mômes se retrouvent ainsi déconnectés de cette ville, dont le caractère délétère est lourdement soulignée d'effets faciles, pour se constituer en une bande de misfits joyeux et déconneurs qui seront plus soudés que jamais après l'affrontement avec le streum.


Lorsqu'ils finissent par pénétrer dans son repaire, le clown se met à faire son cirque (haha); vaguement inquiétant dans l'égout où il entraîne le petit au début du film, il devient grandguignolesque en mouvement et dans ses vues en pied. On le croirait occupé à caricaturer la figure du clown flippant. C'est un ratage complet de ce côté-là; mais, me direz-vous, il importe moins que le concept sous-jacent, la peur qui le fait naître, renaître et attaquer ses victimes. Oui, OK. On ne vous a jamais dit que pas mal de prédateurs sentent la peur? Alors, oui, il ne se nourrit pas de Beverley, car elle n'aurait pas peur de lui (ce dont il doute quand même), mais c'est léger. Il demeure un carnassier sauvage qui s'attaque à des proies faibles. Son antre, encombré de tout un bric-à-brac autour duquel gravitent les dépouilles de ses victimes (qu'il n'a pas mangées, alors?), ressemble à un nid d'alien. C'est à ce moment-là que le film renonce purement et simplement à toute volonté de transmettre un message philosophique pour virer dans le film de monstres.


Ainsi, malgré quelques fulgurances formelles, le film ne parvient pas à susciter un intérêt marqué, la faute à des effets trop appuyés désamorçant tout (jusqu'aux jump scares putassiers), des personnages mal écrits et à peine caractérisés et des enjeux au rabais. Au final, on a l'impression d'assister à une sorte de croisement entre les Goonies et un film de boogeyman qui ne parvient pas à se hausser à la hauteur d'un Freddy, et qui se conclut par un happy end tarte-à-la-crème.


On peut néanmoins penser - espérer - que la suite viendra lui donner une résonance bienvenue, mais qui n'a rien d'évident pour le moment.

Cafe-Clope
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le 27 déc. 2017

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Cafe-Clope

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