Call Me by Your Name fait partie de ces oeuvres dont j'appréhendai le visionnage du fait que les avis semblaient fondamentalement opposés. Proposer un long-métrage parlant d'un jeune homme découvrant son homosexualité peut annoncer le meilleur (A Single Man, Moonlight, I Love You Phillip Morris,...) comme le pire (Love Simon,...) en fonction des cinéastes et scénaristes.
Le réalisateur Luca Guadagnino est un artiste m'ayant beaucoup intrigué du fait que j'avais étonnement adoré son remake du Suspiria de Dario Argento sorti la même année. J'estime cependant important avant de rentrer plus dans le vif du sujet de signaler que je possède une aversion complète envers l'acteur Thimothée Chalamet. Mon sentiment vient du fait qu'il interprète constamment le même rôle sans la moindre variété (contrairement à Leonardo Dicaprio par exemple). De plus, chacun de ces personnages agit toujours de façon profondément abjecte avec son entourage, mais est comme continuellement pardonné par le film (ou le cinéaste) le mettant en scène. Son minois charmeur y est pour beaucoup à mon sens dans cette idée que le public pardonne les actions de ses différents personnages (A Rainy Day in New York, Les Filles du Docteur March,...). Son jeu me laisse bien souvent de marbre (bien qu'attention je ne le considère pas comme un mauvais acteur en soit) et, même s'il s'agit ici de son meilleur rôle, je ne peux qu'y voir un opportuniste.
Il me semblait important de mentionner ce point avant de me lancer plus en profondeur dans le film afin de montrer que la critique qui suit est bien évidemment subjective. Parler d'une oeuvre exploitant le thème de l'homosexualité est en soit destinée à diviser du fait que chacun la recevra différemment par rapport à son vécu.


Le récit présenté est le suivant (attention certains spoilers seront de mises à partir de maintenant) :
"Été 1983. Elio Perlman, 17 ans, passe ses vacances dans la villa du XVIIe siècle que possède sa famille en Italie, à jouer de la musique classique, à lire et à flirter avec son amie Marzia. Son père, éminent professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, et sa mère, traductrice, lui ont donné une excellente éducation, et il est proche de ses parents. Sa sophistication et ses talents intellectuels font d’Elio un jeune homme mûr pour son âge, mais il conserve aussi une certaine innocence, en particulier pour ce qui touche à l’amour. Un jour, Oliver, un séduisant Américain qui prépare son doctorat, vient travailler auprès du père d’Elio. Elio et Oliver vont bientôt découvrir l’éveil du désir, au cours d’un été ensoleillé dans la campagne italienne qui changera leur vie à jamais. "


Tout d'abord, la grande force de Call Me By Your Name réside selon moi dans sa réalisation, mais surtout son ambiance visuelle et sensorielle. C'est une oeuvre atmosphérique avant toute chose. Les paysages italiens et leur climat transcendent l'écran. Certains pourraient exposer le fait qu'il est facile d'obtenir ce résultat en tournant le film en Italie, mais il n'en est rien. La chaleur et la luminosité des lieux présentés nous embarquent. Cela est aidé par une photographie magnifique qui réussit à nous faire ressentir l'atmosphère enveloppant les personnages. Leurs cinq sens nous sont transmis et je n'ai que peu de souvenirs de tête d'oeuvre arrivant à me faire travailler l'odorat et la sensation de toucher ou du vent que ressent la peau. Les protagonistes se fondent dans ces lieux et semblent en parfaite adéquation avec cet univers. Le multilinguisme aide également à l'immersion et crée une crédibilité à ce qui est montré indépendamment du récit. De même les décors sont splendides et filmés à leurs justes valeurs, qu'il s'agisse d'un bâtiment à l'architecture prestigieuse ou une simple prairie isolée.


Concernant la galerie de personnages que Guadagnino nous dépeint, ils fonctionnent tous assez bien et auront leur moment touchant. Comme dit précédemment, leur implantation dans l'univers spatio-temporel du film aide beaucoup dans ce positivisme envers les protagonistes. Nous sommes principalement emmenés à suivre Elio (incarné par Chalamet) vivant une errance psychologique et amoureuse dans cette atmosphère vacancière.
Il est toujours difficile de faire exprimer sans aucun mot les frustrations et les tentations d'un être humain sans tomber dans les clichés. À mon sens, c'est un pari à demi réussi, nous comprenons qu'il est en période questionnement interne, mais je n'ai à aucun moment eu l'impression d'y voir un doute sur sa sexualité. La relation entre Elio et Oliver est intéressante à suivre mais je ne retrouve pas l'amour qu'ils sont censé éprouvé l'un pour l'autre, nous sommes plus proche d'une amitié qu'autre chose.


Nous en arrivons à ce qui symbolise selon moi le gros point noir du film. Call Me by Your Name ne maîtrise pas son sujet. L'amour entre les deux personnages est absent. Certaines scènes semblent avoir été conçues uniquement dans le but d'émouvoir et non de cherche une crédibilité ou une cohérence. Finalement le long-métrage semble avoir quelque peu peur de son sujet une fois qu'il s'agit d'être plus concret et détaillé sur la relation unissant Elio et Oliver. De même lorsque l'acte sexuel aura en définitif lieu entre les deux protagonistes, il est littéralement évité par le cadre de la caméra.
Il est bon de rappeler qu'à peine quelques mois avant arrivait sur nos écrans 120 Battements par Minutes qui dévoilait des scènes de sexe entre deux hommes de façon explicite mais belle. Guadagnino, de son côté, semble vouloir éviter tout érotisme ou aspect charnel alors qu'il s'agit d'une dimension importante du couple. Je n'arrive pas à croire en cette histoire si on n'accepte pas de la rendre concrète à la même façon que les protagonistes. L'homosexualité n'est selon moi qu'un prétexte au sein de cette oeuvre. Le cinéaste maîtrise le média, mais pas son sujet ce qui fait assez mal dans une oeuvre du genre. Chalamet de son côté joue correctement, mais ne m'a pas semblé pleinement investi dans son rôle, sa nomination aux oscars cette année-là reste pour moi un mystère (bien que cette cérémonie n'a de base pas beaucoup de pertinence si l'on fouille bien). Il reste cette figure prétentieuse qui me rend totalement hermétique à son travail aussi bon soit-il (j'ai d'ailleurs extrêmement peur pour son rôle de Paul Atreides dans le Dune de Denis Villeneuve à venir). L'acteur s'en sortant le mieux reste à mon humble avis Armie Hammel qui s'offre un rôle assez marquant dans sa carrière.


En revanche, je salue le fait que le cinéaste nous présente la confrontation entre Ellio et son père, ce dernier ayant compris que son fils découvrait son orientation sexuelle. A la façon du récent Girl de Lukas Dhont, nous ne sommes pas face au cliché (malheureusement existant) des parents n'acceptant pas la sexualité de leur enfant. C'est une force selon moi de sortir de ce constat et d'offrir justement une oeuvre où l'homosexualité n'est pas reçue comme une opposition, mais comme une acceptation. Cette scène est l'une des plus réussies et, à mon sens, l'une des rares maîtrisant sa thématique.


En terme général Call Me by Your Name est une oeuvre appréciée. Mais vous constaterez bien vite que pour les personnes ayant vécu le même questionnement d'orientation sexuelle que Elio les avis seront divers. Certains saluent l'oeuvre d'autres seront révoltés. Comme énoncé en introduction, il s'agit d'un long-métrage qui aura une répercussion différente sur chacun. Cela est en soi une force car créera une multitude de façons de recevoir le métrage et de multiples interprétations. Cet avis est donc évidemment subjectif.
Le film de Luca Guadagnino a ses bons moments et, comme je l'ai dit, une atmosphère enivrante et fascinante à la fois. Il tombe cependant dans quelques travers embarrassants quand il s'agit de traiter son sujet et d'arriver à explorer la relation qui unit ses protagonistes. Il en reste une oeuvre très intéressante par certains aspects, mais surestimée et imparfaite, mais certainement pas mauvaise. Aussi aurais-je oublié de mentionner qu'il est question d'une suite à venir prochainement ? Étrange idée qui ne me dit rien de bon...mais affaire à suivre donc !

Vladimir_Delmotte
6

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Créée

le 23 avr. 2020

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