Non, Daniel Craig n'est pas James Bond. Oui, c'est un bon film d'action.

Je suis toujours très étonné de voir à quel point semble s'être imposé chez mes éclaireurs Daniel Craig en tant que James Bond. Celui-ci incarne pourtant un contre-sens total du personnage, peu importe par quel bout on l'abord.


A cause de cela, ma première impression devant Casino Royale fut catastrophique. J'avais détesté le film. J'avoue aujourd'hui apprécié d'une certaine manière le film, je viens même de terminer mon troisième visionnage de celui-ci, mais ce n'est pas un bon James Bond.


Je vais faire court pour cette critique car je ne souhaite aborder que cette problématique "James Bond or Not ?".


Tout d'abord soyons dans le détail, l'absence de gadget. Un point important de la saga des James Bond est clairement son aspect peu réaliste. Dès son origine, on retrouve une vision fantasmée du monde de l'espionnage. Ian Flemming fut un espion bureaucrate qui rêvait de ce que pouvait être l'action sur le terrain. Tout y est idéalisé. C'est l'opposé d'un auteur comme John le Carré qui fut un réel espion actif et dont les ouvrages nous présentent des intrigues réalistes, plus austères. Bien entendu, j'entends bien les critiques qui regrettaient l'utilisation de gadgets qu'ils jugeaient devenus abusive. Depuis un certain temps déjà, les films de la saga accumulait les gadgets irréalistes. Personnellement, cela ne me gênaient pas du tout mais, si je veux bien entendre donc cette critique, on ne peut pour autant retirer les gadgets sans modifier l'esprit de cette série se voulant véritablement dépaysante.


Deuxièmement, la violence du film. Les James Bond sont des films familiaux, cela fait partie là encore de l'esprit de la saga cinématographique. La scène de torture à la fin du film est très bonne, mais elle nous fait là encore quitter clairement l'univers familier de l'espion britannique, un univers héroïque, presque super-héroïque et fait pour inspirer l'admiration des grands comme des plus jeunes. Pour le coup, les romans eux sont différents. Plus adultes d'une certaine manière, pourtant cette scène n'est pas non plus conforme au roman où elle apparaît beaucoup plus violente psychologiquement pour l'agent. Ici, le personnage prend à la rigolade la scène de torture qui reste vraiment douloureuse à voir. On est donc le cul entre deux chaises. D'un côté la violence de la scène des livres inappropriée pour la saga cinématographique, de l'autre un contre-sens total de celle-ci censée provoquer une véritable angoisse chez l'espion.


Maintenant ne tournons-pas plus longtemps autour du pot, le problème principal est l'interprétation de Daniel Craig. James Bond est l'élégance incarnée normalement, un véritable gentleman. Et Daniel Craig ne peut tout simplement pas être ainsi. Physiquement d'abord, son corps est celui d'une grosse brute, James Bond n'est pas Hercule. James Bond n'est pas Dwayne Johnson. Il y a un manque de subtilité dans ce corps musclé, qui est impressionnant à n'en pas douter, mais contrevient à l'image du personnage. Dans Casino Royale, lors d'une course poursuite, il traverse un PUTAIN de mur ! James Bond sans l'aide d'un gadget ne peut avoir l'idée de foncer dans un mur pour le détruire, c'est ridicule, il aurait fait un détour puis aurait trouver un raccourci ! Franchement ridicule, cette scène d'action.... Le visage n'est pas plus ressemblant ! Daniel Craig a toujours eu un visage incarnant une certaine sauvagerie, brutalité, dureté. Et ce film ne fait pas exception. C'est peut-être triste mais dans ce genre de film, Daniel Craig est fait pour jouer un vilain russe pas un agent anglais. Sa blondeur allié à une chevelure des moins foisonnantes va à l'encontre du personnage, c'est limite si on ne s'attend pas à ce qu'il deviennent chauve dans quelques années. Et James Bond ne sera jamais chauve.
Attention cependant je n'ai rien contre Daniel Craig, mais un acteur doit jouer des rôles qui lui conviennent selon moi. Il est merveilleux dans les Insurgés et surtout dans Layer Cake. IL n'aurait probablement pas dépareillé à la place de Viggo Mortensen dans Les promesses de l'ombre. J'adore d'ailleurs ce dernier et je ne le vois pourtant pas incarner James Bond, aussi merveilleux et charismatique acteur soit-il.
Outre le physique, Daniel Craig n'a pas le charisme ni le charme nécessaire à incarner l'espion qui fera succomber tous les coeurs de femmes. Son visage ne livre aucune émotion ici ! Il ne sait en aucun cas jouer de son charme, il est effrayante, imposant, mais absolument pas séducteur ! On ne peut imaginer un James Bond qui ne soit pas le tombeur de ses dames ! Ce n'est plus James Bond alors. Le scénario d'ailleurs détruit totalement le mythe dans ce film. La première femme qu'il séduit de manière peu crédible, il ne couche même pas avec et l'abandonne juste avant une partie de jambe en l'air pour sa mission. James Bond n'aurait jamais fait ça, il aurait réussi à accomplir sa mission et à coucher avec la femme en même temps ! Purement manipulateur et pragmatique dans sa pratique de la séduction, on est loin de notre agent préféré. Là, encore certains diront qu'on revient au source d'un James Bond, misogyne qui se conduit de manière cavalière avec les femmes. Ce n'est pourtant pas du tout la même chose. Si l'on en revient aux sources, James Bond n'est pas un coeur de pierre séduisant par pragmatisme, c'est un homme à femme. C'est un misogyne d'une certaine manière, un coureur mais qui aime plaire aux femmes, qui aime les séduire même s'il ne s'attache jamais et ne tient guère compte de leur sentiment a posteriori. En réalité, c'est un séducteur des années cinquante. Sean Connery incarnait parfaitement cette virilité qui n'a plus sa place à notre époque, dans notre société. C'est pourquoi elle fut petit à petit évacué. Non pas par démagogie, mais tout simplement que dans la société actuelle, un machisme et une misogyne comme la pratiquait un homme à femme dans les années cinquante n'aurait pas du tout le même sens. C'était certes légèrement provoquant mais aussi relativement banale, cela représentait une certaine vision de l'homme qui était encore valable et qui ne l'est plus. C'est pour cela, que le personnage n'arrive ici pas à l'incarner réellement. D'ailleurs, l'autre point contrevenant à l'esprit de la saga, James Bond tombe amoureux, réellement amoureux ! C'est là tout le paradoxe de la trahison de ce reboot, d'un côté on nie tout amour des femmes du personnage de l'autre, on en fait un romantique tourmenté qui n'a d'yeux que pour l'une. Et on nous explique ainsi de manière implicite que c'est pour cela que James Bond ne peut plus s'attacher aux femmes. A vouloir psychologiser le personnage, on en vient à nier sa véritable nature...
Cet aspect tragédie est aussi symptomatique du manque de légèreté et d'humour qui caractérisent la saga. Daniel Craig nous joue un personnage bien trop sombre pour révéler cette désinvolture de l'agent et finalement les quelques traits d'humours qu'il lance au long du film se révèlent surtout les indices des tourments intérieurs du personnage. James Bond est censé incarné une sorte de super-héros qu'on admire et pas pour lequel on compatit.


Je vais quand même terminer par les bons côtés ! Déjà Eva Green est une James Bond girl que j'ai trouvé excellente, jouant merveilleuse de son rôle de femme fatale, belle et troublante, attachante et traîtresse ! James Bond, ce sont aussi les James Bond Girls, sans oublier les vilains ! Et j'adore Mads Mikkelsen dans ce rôle du Chiffre ! Très bon vilain, il a cependant sa propre originalité. Tout en restant une menace d'ordre international, on est loin de ceux devenus trop récurrents jusqu'à Casino Royale représentant un danger planétaire. Cela le rend d'autant plus crédible et charismatique, je trouve. Ces deux critères permettent aux films de conserver malgré tout une bonne partie des caractéristiques d'un James Bond selon moi.


Quant au scénario, j'ai trouvé assez intéressante la structure nous présentant d'abord une heure d'enquête pour découvrir l'identité du grand méchant puis une heure de confrontation avec celui-ci autour de la table de poker plus ou moins ! Le début du film intégrait tout de même selon moi des scènes d'actions un poil trop longue et surtout se succédant trop rapidement, mais ce n'était pas désagréable pour autant. Je reprocherai par contre au film, cette mini-intrigue supplémentaire qui se rajoute à la mort du vilain qui semble sortie de nulle part. Certes elle nous permet alors de marquer le côté ambivalent de Vesper et donne à ce personnage un intérêt supplémentaire. Mais l'intrigue en elle-même se révèle expédié, tout va trop vite, sans approfondissement. Un nouvel adversaire se dessine, qui est retrouvé et expédié en trois minutes à la fin. Sans que cette intrigue soit vraiment relié à celle précédente. La troisième partie de ce film est clairement dispensable voire nuisible à la tenue de l'intrigue ! Confuse, elle pose trop de questions et les quelques réponses qui nous sont amenés le sont d'une manière tellement grossière et sans saveur, qu'on ne peut s'en satisfaire...


En conclusion, il aurait simplement fallu changer le nom du personnage et ne pas prétendre livrer un James Bond pour que ce film devienne probablement un coup de coeur et non pas une déception teintée d’écœurement. Je lui aurais même pardonné totalement sa fin bâclée, je pense.

Vyty
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le 9 mai 2015

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Vy Ty

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