Parfois le cinéma est un miroir. Une projection de l'être humain sur la pellicule colorée d'une image. L'assemblage de petits riens qui font de l'individu ce qu'il est : une nature exacerbée, constituée de failles, de sourires, d'imperceptibles fragments de vie.
C'est une projection de l'individu face à lui-même. L'être humain dans ce qu'il a de plus simple, de plus spontané, et parfois aussi de plus désuet.
C'est la beauté d'un été à la Rohmer, avec ses jambes nues et son ciel bleu, sa chaleur.


L'être humain ne se cache pas. Il est lui-même, et c'est justement parce qu'il est lui-même qu'il n'a parfois pas vraiment de justesse. Qu'il a parfois trop de spontanéité affalée dans le monde, trop d’exubérance, parfois un peu à l'ouest. C'est ce que nous montre cette femme un peu dans la lune, jolie brune qui semble sans cesse ailleurs, au sourire trop présent, au regard trop absent. Alors c'est là que le cinéma fait miroir, nous déballe nos failles respectives face à l'écran géant, projetées dans l'entière individualité d'une femme qui n'est pas juste, qui toujours parle trop fort, au débit de voix ne correspondant pas à celle de l'interlocuteur en face d'elle. Est-ce à cause de personnages qui sans cesse semblent en faire trop, qui jamais ne restent dans la justesse, dans l'authenticité ? Demeurent au contraire englués dans l'extrapolation d'un naturalisme somme toute Rohmérien, mais qui ici (d'une manière extrêmement contraire) sonne quelque peu "faux", ou "ringard", désuet, rance ?


Un arrière goût de poussière dans la bouche. De vieillot, de dépassé, de terne.


Le temps passe, et avec, les étés qui demeurent bleus, toujours. Les robes qui frétillent sous le soleil, les peaux qui se dénudent, et toujours cet homme qui déambule face à la mort qu'il vient de vivre, celle du deuil qu'il se doit de surmonter, tant bien que mal.


On pourrait faire l'éloge de cet homme, seul personnage qui toujours reste juste, criant de vérité, bouleversant dans sa façon d'être au monde, au charme rentré dans sa sincérité, son sourire qui arrive lorsque tout va mal, sa façon d'écorcher les mots lorsqu'il parle français de son accent allemand, au charme fou.
On pourrait faire l'éloge de son adresse, de son calme, de son charme, de sa façon d'être posé sur le monde lorsque cette femme face à lui existe comme une fourmi, boit la vie trop vite, n'écoute rien. Posé aux côtés de chaque personnages, les autres protagonistes de l'histoire font tâches, pas à leur place dans le déroulement d'un film, dénué de justesse de bout en bout, même ce petit garçon exaspérant, ce mari inconsistant.


Lorsque le spectateur sort de l'été bleu et chaud pour s'engouffrer dans l'hiver rude et froid, les réflexions viennent à lui : n'est-ce pas dans son intention même de vouloir imiter la vie que le cinéma échoue inévitablement ? Le cinéma, et l'art en général, pour trouver son apogée, sa puissance, son épanouissement, ne se doit-il pas, au contraire, d'interpréter la vie, de la peindre à sa manière, au lieu de vouloir l'imiter à tout prix ? Mais alors, que fait-on du néo-réalisme italien du Réalisme poétique des années 50 ?
Cette différence entre imitation et interprétation prête à la réflexion. Mais développer sur ce point serait beaucoup trop long.

Lunette
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films vus (ou revus) en 2016, Le cinéma de l'errance et Ça ressemble à du Rohmer

Créée

le 14 mars 2016

Critique lue 446 fois

6 j'aime

1 commentaire

Lunette

Écrit par

Critique lue 446 fois

6
1

D'autres avis sur Ce sentiment de l'été

Ce sentiment de l'été
Sergent_Pepper
7

Memories of free estivals

Traquer les trajectoires d’une famille comme tant d’autres, confrontée au deuil précoce d’une jeune fille : une sœur, une fille, une amante. Mickhaël Hers s’attarde sur ceux qui restent, sur leur...

le 11 mai 2017

26 j'aime

Ce sentiment de l'été
Clode
7

La mélancolie du temps qui passe

Ce sentiment de l'été c'est le ciel bleu et l'herbe verte, c'est les enfants qui jouent dans les fontaines et les adultes qui paressent le long des trottoirs, c'est la douce musique des pneus de vélo...

le 20 févr. 2016

24 j'aime

3

Ce sentiment de l'été
Nez-Casse
8

À la vie, à la mort, le temps est un trésor.

La perte d'un être cher, provoque un sentiment de douleur qui paraît insurmontable et engendre une période très difficile à surpasser. Ce sentiment de l'été, c'est l'histoire de Zoé et Lawrence qui,...

le 8 mars 2016

9 j'aime

Du même critique

Ma vie de Courgette
Lunette
9

De la pâte à modeler qui fait pleurer

La question, d'emblée, se pose : comment trois bouts de pâte à modeler peut bouleverser à ce point le petit cœur du spectateur ? Comment une tripotée de grands yeux d'enfants fatigués et dépressifs...

le 27 oct. 2016

30 j'aime

Taxi Driver
Lunette
10

La radicalité d'un monde

D'abord, la nuit. La nuit avec ses rues glauques, ses voitures balayant les jets d'eau venus nettoyer les vitres sales. D'abord, la nuit. Avec ses putes à tous coins de rues, ses camés, drogués,...

le 2 mars 2015

28 j'aime

10

Bagdad Café
Lunette
8

Lumineuse ironie

Bagdad Café ou l'histoire d'une époque, de celle défroquée d'une Amérique souillée, paumée, au comble de l'absurde. C'est ce café qui ne sert plus de café parce que l'un des mec a oublié de racheter...

le 18 mai 2016

27 j'aime

10