Finalement, au cinéma, foin de talent pur, de maîtrise technique parfaite ou d'effets chocs. Car au cinéma, finalement, tout est sans doute question de nuance et de sincérité.


Ainsi, on nous a vendu Chanson Douce en forme de thriller. Avant un coup d'oeil sur la page Sens Critique qui tempère déjà le propos en causant de policier et de drame.


Le voilà, le drame.


Car le spectateur, devant le film, ne sait jamais réellement où il a mis les pieds, ou le réalise, mais de manière amère.


Parti avec l'attente d'un super thriller domestique, le masqué aura donc été bien déçu pendant la quasi totalité de la production. Il n'y aura en effet aucune nuance dans Chanson Douce, et presque aucune montée en tension. La désamorcer par la direction d'une actrice formidable que l'on filme en sur-expression quasi constante a ici quelque chose de criminel, tant, dès les premières minutes, on mesure l'ampleur de la duplicité de la nourrice.


Les premières minutes sont aussi meurtrières dans la mesure où elles nous décrivent une caricature de couple bobo d'un dérisoire gerbant que l'on a furieusement envie de baffer à chaque fois qu'il apparaît à l'écran. A ce petit jeu, Antoine Reinartz obtient haut la main la queue du Mickey, tant ses sourires crétins exaspèrent en oscillant entre imbécilité heureuse et expression du vide de la personnalité.


En résulte un drôle de propos sur la violence socio-économique et la lutte des classes, qui aura parfois des allures de hors sujet total, tant le thriller promis est aux abonnés absents. Qui attisera sans doute votre jubilation et / ou votre mépris pour la race bobo, ses contradictions, ses aspirations et l'insoutenable légèreté de son (mal) être mou. Le tout dans une peinture à gros sabots, parfois archi surlignée quand elle est mixée avec le décor de basse classe sociale dont est issu le personnage de Karin Viard.


Mais au moins, dans Chanson Douce, ces deux milieux sont traités dans l'égalité de l'absence d'empathie qu'ils procurent au spectateur : dérisoire et atrocement vain pour l'un, effrayant de vide et de névroses pour l'autre.


Reste un portrait de psycho porté par Karin Viard, loin de démériter, mais, encore une fois, sans aucune nuance devant une caméra qui s'acharne à désamorcer toute tentative de tension durable, tandis que les situations de menace réelle se comptent sur les doigts de la moufle d'un lépreux. Tandis que certaines scènes provoquent gêne (au mieux), ou sentiment de ridicule (au pire). Alors même que Chanson Douce tente de véroler la réalité du quotidien par quelques éclats de genre pas trop mal vus mais atrocement évidents dans l'imagerie convoquée.


Jusqu'à ces quelques dernières minutes proprement terrassantes, où Lucie Borleteau se souvient enfin qu'on avait vendu son effort dans l'aspect thriller. Mais bien trop tard pour espérer reconquérir les faveurs d'un spectateur qui aura sans doute décroché depuis longtemps, tout désappointé qu'il pourra être.


Car rayon folie et mise en scène des obsessions, on aura plutôt envie de se rappeler un excellent Harry, Un Ami qui Vous Veut du Bien, ou encore du formidable Le Couperet, auxquels Chanson Douce fait un peut penser, pour ensuite mieux se lamenter. Et rayon critique sociale cinglante et irruption du prolo chez les bobos, Parasite était bien plus fin, efficace et fun.


Alors que Chanson Douce, tout ratage soit-il, aurait pu, dans d'autres mains, se montrer aussi foisonnant et multiple que tendu et vertigineux dans son suspens.


Mais là, sans nuance, sans trajectoire marquée, il ressemble à un gloubiboulga trompeur, qui s'acharne à détruire ce qui aurait fait sa force et sa saveur.


La nounou n'est donc pas très d'enfer sur ce coup là.


Behind_the_Mask, sinon la poulpe, elle reste en bas...

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le 27 nov. 2019

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